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La photographie des poissons d’aquarium
Quelques trucs personnels pour réussir ses photos

Cet article était initialement destiné à être publié dans le nouveau guide des Cichlidés édité par l’AFC. 

Ne souhaitant plus collaborer avec cette association, j’intègre donc l’article à mon site, où il remplace l’ancien article incomplet.
Certaines photos sont reprises du PDF qui avait été réalisé car je n'avais pas gardé les photos.

 
 
Le matériel :

Disons le tout net : un téléphone, c’est fait pour téléphoner, par pour photographier. Même s’il peut occasionnellement vous dépanner pour tirer le portrait de votre petit dernier, vous n’en sortirez jamais une œuvre d’art  et pour la photo de poissons, vous n’obtiendrez qu’une photo très floue.
Il vous faudra donc choisir un appareil photo.
Oublions les APN (Appareil Photo Numérique) compacts car, même s’ils sortent des photos de paysages ou des portraits très honorables, ils ne font pas l’affaire pour l’aquariophilie, ne serait-ce que par le manque de puissance de leur flash et sa proximité avec l’axe de l’objectif. On peut malgré tout parfois sortir quelques photos convenables mais qui ne répondront pas aux exigences d’un œil un peu averti. Car la photo doit avant tout être faite d’exigences qualitatives.

Nous opterons donc pour un APN réflex. Peu importe la marque, peu importe le modèle, à une condition : qu’il puisse être possible de ne pas fonctionner en mode automatique mais en mode manuel. Ceci est  primordial car, comme nous le verrons plus loin, nous utiliserons essentiellement ce mode. Il faudra donc aussi apprendre à lire le mode d’emploi de l’appareil.
Combien de millions de pixels ? Tout dépend de ce que l’on veut faire ! Pour des photos « web » cinq millions suffisent largement, si on veut faire une affiche de 5 mètres de long il faudra prévoir beaucoup plus. De plus un grand nombre de pixels permet de réaliser des recadrages plus fins si on le souhaite (« crop »). Actuellement, les appareils d’entrée de gamme fournissent au moins 16 millions de pixels, ce qui est très largement suffisant.

S’il faut un APN, celui-ci n’est rien sans un objectif. Le meilleur des APN équipé d’un cul de bouteille ne fera jamais de belles photos. Plus l’appareil sera sophistiqué, plus il méritera un objectif de qualité.Les zooms standards, même s’ils font des photos honnêtes, ne résistent pas à des photos plus poussées, il faudra donc  mettre le prix dans l’objectif.
Celui-ci se caractérise par différents paramètres :
La focale. Pour résumer, c’est la capacité à éloigner ou à rapprocher le sujet. Une focale standard qui donne une photo correspondant à ce que l’on voit à l’œil nu est de 35 mm avec un APN (50 mm avec les anciens argentiques). Tout ce qui est en dessous éloigne le sujet, c’est un grand angle ; tout ce qui est au-dessus rapproche le sujet, c’est un téléobjectif. Quand la focale peut varier, c’est un zoom (18-135 ou 25-80 pour des « classiques »).
L’objectif se caractérise aussi par son ouverture maximale (f/3,5 par exemple). Plus ce chiffre est petit, plus l’ouverture est grande, faisant entrer davantage de lumière. Mais ce chiffre est aussi inversement proportionnel au prix. Un objectif ouvrant à f/1,8 coûte beaucoup plus cher, à focale égale, que celui qui ouvre à 2,8.

Une autre caractéristique est la distance de prise de vue minimale. Pour nous, elle devra être assez faible de façon à prendre les poissons d’assez près. Les objectifs « macro » permettent de prendre de très près, à une distance de quelques centimètres, ce qui peut être utile pour les petites espèces, mais pas indispensable dans la plupart des cas. Evidemment, cette distance minimale joue aussi sur le prix de l’objectif.
 
 
Pour les petites espèces ou pour les portraits, un objectif macro est indispensable (Ici un 105 mm macro)

Mais l’appareil ne fait pas tout. Ce qui fait une bonne photo c’est avant tout la lumière.

Il nous faudra donc de la lumière, beaucoup de lumière. J’expliquerai plus loin pourquoi.
La lumière d’un aquarium est souvent insuffisante et ne permet pas d’obtenir une qualité optimale ; il faudra notamment penser à régler la balance des blancs en manuel sinon on risque d’avoir une forte dominante jaunâtre. Il faudra donc une source annexe, un flash, qui donne une lumière proche du naturel.
Le flash intégré à l’APN est très insuffisant car son nombre guide (NG= sa puissance) est faible, dépassant rarement 20, de plus il est proche de l’axe de l’objectif et il se reflète dans la rétine des poissons, donnant un œil blanc ; souvent il se reflète dans la vitre, provoquant un grand halo.
Ces différents inconvénients font qu’il est préférable de s’équiper d’un flash annexe de bonne puissance (NG de 40 à 50). Il est possible d’avoir également un flash dissocié de l’APN, se déclenchant par une cellule commandée par le flash intégré. Ceci permet de placer le flash au- dessus du bac et donne un aspect plus naturel par une lumière venant du dessus. Je n’ai jamais réellement réussi  à piloter mon ancien flash de cette manière et comme le nouveau n’offre pas cette possibilité, je m’abstiendrai donc de m’étendre sur le sujet pour me contenter des explications liées à une prise de vue plus classique avec le flash placé au-dessus de l’APN.

Matériel annexe non indispensable mais parfois utile : un pied, un déclencheur souple ou télécommande, un diffuseur de flash.
 

Que la lumière soit

Voilà, vous avez votre appareil flambant neuf apporté par le Père Noël ou Saint Valentin et vous vous préparez donc à prendre vos premières photos de poissons. Les ennuis commencent !
Vous avez sorti le flash intégré et vous voyez son joli reflet dans la vitre du bac, sans parler parfois de l’image de l’objectif à l’intérieur du bac lui-même. En plus les photos sont floues. Pourtant vous avez mis le prix mais rien n’y fait.
Pourquoi ? Parce que vous pensez que faire une photo de poisson se fait comme une photo de belle-maman. Vous avez un APN qui gère tout, tout est automatique, c’est super avec mamie mais pas avec les poissons.
Il faut donc quelques bases techniques. Donc commencer à savoir à quoi correspondent les divers paramètres de l’appareil et de l’objectif et, surtout, savoir les gérer.
Passons rapidement sur la distance de prise de vue, elle dépendra de la focale de votre objectif et de la taille du poisson (100 mm macro c’est super pour un apisto, ça va être très gênant avec un Cichla. Mais ça, c’est facile à régler avec un (bon) zoom standard.

Le gros paramètre à gérer va être la lumière et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
L’exposition d’une photo (la quantité de lumière qu’elle nécessite) dépend de deux facteurs : l’ouverture de l’objectif (plus l’ouverture est grande – chiffre faible – plus la lumière entre, c’est logique !) Donc un objectif ouvert à f/11 va laisser entrer beaucoup moins de lumière qu’à f/5,6.
Si je veux que la photo reçoive suffisamment de lumière, il faudra donc augmenter le temps d’exposition, c’est le deuxième paramètre. Je peux également jouer sur un autre paramètre qui est la sensibilité (ISO). Les APN modernes permettent d’avoir une très haute sensibilité (12800 ISO par ex.), mais ceci joue sur la qualité de la photo. Plus on va mettre une sensibilité élevée, plus on aura une photo ayant du grain. Ce n’est pas très important si on la passe simplement sur un petit écran ou si c’est pour mettre une petite photo sur le web  mais pour un agrandissement de qualité c’est très problématique. Un réglage entre 200 et 400 ISO est parfait pour une bonne finesse, on peut aller sans trop de dégâts, avec un bon appareil équipé d’un capteur de qualité, jusqu’à 1000 ISO, au-delà le grain commence à être présent. 

Un exemple sur une fleur de cactus (affichage en taille réelle des pixels) sur laquelle on voit bien la différence de "piqué", de gauche à droite : 

100 iso, 800 iso, 12 800 iso , 25 600 iso


 
 

Donc, premier point : ne pas se mettre en réglage automatique des ISO.
 
 
Dans les aquariums publics où le flash est souvent interdit on peut malgré tout réussir des photos honnêtes avec un objectif bien lumineux et grâce aux capteurs modernes permettant de « monter les iso » sans trop de dégâts. 

Il convient toutefois de bien penser à régler la balance des blancs pour compenser les dominantes provoquées par l’éclairage artificiel.

Ce type de photo avec un éclairage par le haut donne souvent un aspect esthétique plus intéressant, et plus naturel, qu'avec un éclairage par éclair de flash horizontal.

La vitesse d’obturation : plus elle est lente (1/60 seconde par exemple), plus le sujet aura des chances d’être flou. De plus, on conseille toujours, pour éviter le flou de bougé, de ne pas avoir une vitesse dont le nombre est inférieur à la distance focale de l’objectif (pas en-dessous du 1/100ème de seconde pour un 100 mm par ex). Comme nous devrons utiliser un flash, il faudra tenir compte de la vitesse de synchronisation de ce flash (souvent jusqu’au 1/200ème de seconde avec les appareils d’entrée de gamme).
Lors des réglages en « tout auto » cette vitesse est réglée fréquemment au 1/60, donc on oubliera le « tout auto ».
Une vitesse d’obturation au 1/125 convient parfaitement.

Il nous reste l’ouverture du diaphragme. Celle-ci est primordiale pour gérer la profondeur de champ. 

C’est quoi la PDC ? C’est la zone nette située entre la zone proche floue et la zone éloignée floue.
 

Il est important que cette profondeur de champ soit la plus grande possible afin d’obtenir un poisson qui soit le plus net possible sur l’intégralité de son corps. A défaut, l’œil doit toujours être net.
Cette PDC dépend de deux facteurs : 
-La distance : plus elle est faible, plus la PDC est faible (à ouverture égale), pouvant même être réduite à quelques millimètres.
-L’ouverture : plus celle-ci est importante (chiffre bas – 2.8 par exemple) plus la PDC est courte. On aura donc tout intérêt à opter pour une ouverture assez faible (f/11 par ex).

Nous avons donc notre APN réglé de la façon suivante : ISO entre 200 et 400 ; vitesse entre 1/100 et 1/200, ouverture f/11 au moins. Evidemment, si vous espérez qu’il fera cela tout seul en automatique, vous rêvez !  C’est à vous d’effectuer ces réglages en mode manuel, d’où l’intérêt d’avoir lu le mode d’emploi de votre appareil.

Mais malgré cela les photos ne seront pas réussies, elles seront noires, simplement parce que vous manquez de lumière ! C’est logique : grande vitesse et petite ouverture laissent peu de lumière passer au travers de l’objectif. D’où l’intérêt du flash. Les flashs et APN modernes fonctionnent en mode TTL (Through The Lens) ce qui signifie que la lumière émise par le flash est captée via l’objectif et gérée par l’APN de façon à éclairer de manière optimale, c’est ainsi que le flash peut être utilisé en plein jour et au soleil pour atténuer des ombres par exemple.  Dans notre cas, le flash sera donc forcé par l’APN pour exposer correctement une photo qui serait normalement très sombre. Certains flashs peuvent également être utilisés en mode manuel ou un peu forcés en cas de photos répétitivement trop sombres ou trop claires. 
Plus votre flash sera puissant (NG élevé) plus la lumière émise pourra être forte (lapalissade !) donc plus vous pourrez jouer sur les paramètres permettant d’augmenter la PDC. Avec un petit flash, vous aurez des photos bien exposées à f/8, avec un très puissant vous pourrez aller jusqu’à f/22, donc une plus grande PDC utile notamment pour les photos prises de près en macro.
Le problème du flash au dessus de l’APN est qu’il provoque une ombre portée pouvant être disgracieuse. Elle sera d’autant plus visible que le poisson sera proche du substrat. 
 
Pour atténuer cette ombre, un deuxième flash déporté au-dessus du bac est utile. 

On peut également utiliser un gros diffuseur de lumière qui se positionne devant le flash. 

Ce diffuseur à un autre avantage : lors de prises de vue en macro de très près, l’éclair du flash passe souvent derrière le sujet. Alors que, avec le diffuseur, la lumière est mieux répartie et éclaire correctement les sujets proches.
 
 

<==== Ombre portée très visible

La lumière, ce n’est pas que son intensité, c’est aussi sa mesure par l’APN. Les appareils actuels permettent de mesurer différemment la lumière : soit sur l’intégralité de l’image, soit sur une zone centrale, soit sur le point central. 

Si la mesure sur l’ensemble de l’image convient souvent bien, il peut parfois être utile d’effectuer des mesures sur la zone centrale, c’est notamment le cas des poissons argentés sur fond sombre. Dans le cas d’une mesure de lumière sur l’ensemble de l’image on obtient une « moyenne » donc un poisson surexposé (trop blanc) ; il faut alors prévoir une mesure centrale de la lumière, ce qui donnera un poisson correctement exposé sur un fond qui sera un peu plus sombre. On obtiendra le résultat inverse dans le cas d’un poisson sombre sur fond très clair. 

Quel format de photo ?

Les APN permettent d’enregistrer les photos sous deux formats : JPG et RAW. Quelle est la différence ?
Le format RAW (tout comme le TIFF) comptabilise chaque pixel (point) de la photo alors que le format JPG calcule des zones de couleurs identiques et leur attribue un « code », la photo est compressée. La taille de ces zones  dépend du taux de compression. A chaque enregistrement de la même photo, on perd ainsi un peu de qualité, de finesse. Le format RAW est donc plus intéressant si on veut retoucher une photo sans perte de qualité mais il prend beaucoup plus de volume sur les disques durs et les cartes mémoire (plus de 20 Mo par photo par ex.) et nécessite un travail sur chaque photo pour le convertir. De toute manière, on s’efforcera toujours de conserver les fichiers initiaux.
Pour une utilisation standard des photos (Web, revue type RFC par ex.) la qualité JPG est largement suffisante en prenant soin de bien régler l’APN sur un enregistrement en grande taille et fin des photos. Les cartes numériques actuelles permettent de réaliser plusieurs centaines de photos (nous sommes bien loin des vielles pellicules 36 poses !) et donc laisse le libre choix de faire de multiples tests.
 

Mais nous n’avons pas encore pris de photo !

Vous devez donc maintenant avoir toutes les cartes en main pour prendre vos photos. Il reste à le faire. Pour cela il y a encore quelques « réglages ».
Le bac doit être préparé, l’eau propre, les vitres nettoyées ; c’est fou comme la moindre petite algue, la moindre petite particule  peut vous pourrir une belle photo.
Il faudra prévoir d’assombrir la pièce car sinon le moindre reflet se voit ou alors on se colle à la vitre et les poissons n’apprécient pas toujours. 

La prise de vue : La question qui se pose souvent est celle du reflet du flash dans la vitre frontale (voire même postérieure) du bac.
C’est un problème qui se règle facilement en ne  mettant pas l’objectif perpendiculaire à la vitre, on lui donne un léger angle latéral, pas trop important car sinon on est confronté à des problèmes de diffraction de la lumière. 
De plus, plus le flash sera éloigné de l’axe de l’objectif et celui-ci proche de la vitre frontale, moins le reflet sera possible. De même, avec un grand angle, on captera facilement le reflet, quasiment pas avec un téléobjectif. Donc en résumé : prendre d’assez près avec un léger angle et un flash bien décalé.

Et faire une belle photo ? La photographie ne se limite pas forcément à prendre le poisson de profil de façon à le montrer dans un but « informatif ». Une belle photo doit avoir un « plus » artistique.
Prévoir de ne pas coller la bouche du poisson sur le bord de la photo, le poisson doit avoir un peu d’espace devant lui. Il est mieux qu’il avance vers le photographe plutôt qu’il s’en éloigne. Si l’attitude est particulière (bâillement, incubation, prise de gueule, etc.) l’intérêt n’en sera encore que plus grand et c’est souvent ce qui fait la différence entre une belle photo et une excellente photo.
 
 

Et après les photos ?

Il est bien loin le temps de l’argentique où une photo prise était définitive. Grâce au numérique il est très facile de corriger des petits défauts : retirer une tache disgracieuse, recadrer un peu, etc. On peut même éclaircir une photo un peu sous-exposée, par contre il est beaucoup plus difficile d’améliorer une photo surexposée. Tout cela peut se faire simplement avec des programmes souvent gratuits qui deviennent indispensables en photographie numérique. 
Il ne faut quand même pas non plus trop compter sur les programmes de retouche, ils aident certes mais, à moins d’y passer des heures, ils ne feront pas de miracle sur une photo vraiment loupée.

Il ne faut jamais hésiter à prendre de nombreuses photos du même sujet, même si on n’en conserve finalement  que quelques-unes. Mais on n’oubliera jamais de toujours conserver les meilleures photos originales sur plusieurs supports (Personnellement j'ai plusieurs disques durs externes et des sauvegardes sur DVD, on n'est jamais trop prudent car un disque dur se plante plus facilement qu'un classeur de diapos ne se perd !)

Bonne chance dans vos travaux photographiques 
 

Un grand merci à Christian Piednoir et Patrick Tawil pour la relecture du texte



Complément (avril 2018) :

Ci-dessous quelques essais de photos sans flash (Canon Eos 70D objectif canon 100mm 2.8 macro IS USM) le bac fait 60 cm de haut et est équipé de 4 tubes néons de 36 watts

Mode "priorité vitesse" vitesse au 125eme

Ouverture auto 5.6,

ISO en automatique donc allant de 8000 à 12000

Mesure spot (mesure de la lumière sur le centre de l'image).

Balance des blancs en auto

C'est intéressant notamment pour les deux Melanotaenia qui ont tendance à trop prendre le flash. Par contre il y a énormément de déchet étant donnée la grande ouverture, donc la faible profondeur de champ. Les images sont exploitables pour le web mais pas plus.


Afin d'augmenter la profondeur de champ j'ai également effectué quelques tests en mode manuel

Vitesse 125éme

Ouverture 9.5 (attention de ne pas trop fermer le diaphragme car les photos seraient trop sous-exposées.

Iso auto (12800)

Prise de vue en rafale et mesure spot.

Le résultat est intéressant mais peut nécesiter quelques retouches de photos un peu sous-exposées