Conseils pour la reproduction       Article publié dans Aquaplaisir n° 38 & 39

 
 

Réussir la reproduction des espèces qu'il maintient est un des objectifs de l'aquariophile. Il est de notoriété publique que les Cichlidés se reproduisent assez facilement en captivité, du moins pour la très grande majorité des espèces. Il semble néanmoins utile de rappeler quelques règles.

       Choisir les reproducteurs.

Ce n'est pas réellement ce qui est le plus facile, contrairement à ce qu'on pourrait croire. De la qualité de ces reproducteurs dépendra la qualité des jeunes que nous obtiendrons. Des poissons dégénérés produisent rarement des beautés ! Plusieurs problèmes peuvent se poser.

1/ Les Cichlidés sont de plus en plus fréquemment rencontrés dans les magasins aquariophiles "généralistes". Malheureusement les vendeurs ne sont pas toujours formés pour connaître les espèces qu'ils proposent et bien souvent les noms sous lesquels ils reçoivent ces poissons sont erronés. Comment donc être sûr de ce qu'on achète ? A plusieurs reprises j'ai pu, par exemple, voir des étiquettes sur les bacs de vente portant la mention "Pseudotropheus". Ce qui ne veut strictement RIEN dire. Quand, en plus, il y a 5 ou 6 espèces (ou variétés géographiques dans le bac), c'est la joyeuse pagaille. Il arrive aussi parfois que les femelles proposées ne correspondent pas aux mâles.

D'où la règle numéro 1 : être certain de ce qu'on achète, pour être certain de ce qu'on va produire. Ce qui passe par une certaine confiance à l'égard du vendeur. A cet égard les associations aquariophiles locales ou nationales sont généralement plus fiables que le commerce généraliste (sauf exceptions).

2/ Quelle espèce ? La règle numéro 2 est : j'achète des poissons en fonction de la demeure que je peux leur offrir. Il est donc hors de question de "craquer" devant tout ce qui bouge simplement parce que "il est si mignon". Combien de "Cichlasoma", "Tilapia", "Haplochromis", et autres Oscar achetés à 5 cm ont terminé leur vie dans les toilettes ou dans l'assiette du chat simplement parce qu'ils avaient gobé tous les guppies ou tétras du bac de 100 litres du salon et transformé le décor en champ de bataille.

3/ Maintenant que vous savez quelle espèce vous allez acheter, vous devez juger de la qualité des sujets qui vous sont proposés. C'est à dire, règle numéro 3, de leur conformité par rapport à la population typique. A ce titre, deux problèmes se présentent :

a / La dégénérescence de la souche liée à un non renouvellement des gènes par apport de sujets sauvages. Les poissons reproduits depuis des générations en aquarium, ne présentent plus les qualités des souches sauvages. Il peut s'agir de qualités esthétiques, c'est à dire liées au patron mélanique (le cas actuellement le plus flagrant est celui des Nimbochromis venustus qui présentent de plus en plus fréquemment des losanges transformés en barres plus ou moins nettes ou les Cyphotilapia a barres en Y ou en X). Il peut s'agir également de qualités comportementales, ainsi les espèces pondeuses sur substrat produites dans les élevages intensifs perdent progressivement leur instinct parental simplement parce que, eux-mêmes, ont été retirés de la surveillance parentale dans un but de rentabilité accrue.

b/ Deuxième problème : le cas des espèces hybridées qui sont parfois vendues (souvent par ignorance) sous le nom d'une espèce valide. Par exemple j'ai pu voir récemment chez un commerçant des "Pseudotropheus lombardoi d'élevage". Cette appellation est particulièrement frauduleuse dans la mesure où le vendeur était parfaitement conscient de vendre des hybrides. Vendre un hybride ou un poisson "sélectionné" ne pose pas de réel problème d'éthique à partir du moment où l'acheteur sait ce qu'il achète. Encore faut-il qu'il le sache !

4/ Sauvage ou élevage ?

Evidemment l'achat de sujets sauvages supprime tous problèmes liés à la qualité de la souche. Pas de consanguinité, pas d'hybridation. Bien sûr ce qui rebute le néophyte c'est d'une part le prix, souvent un peu plus élevé (mais la différence de prix est amplement justifiée par rapport à la qualité) et, surtout, le problème lié à l'acclimatation. Ce dernier problème est un faux problème si on prend la précaution de faire subir à tous nouveaux venus (même ceux provenant de l'élevage de votre meilleur ami) une quarantaine d'au moins UN MOIS et si, ensuite, les conditions de maintenance correspondent à ce qui est requis par l'espèce en question.

Les sujets d'élevage sont plus abordables, financièrement parlant. Toutefois acheter cinq sujets d'un même lot en pensant les faire reproduire est une erreur. Vous obtiendrez des sujets consanguins. Sur une génération ce n'est pas grave, mais sur plusieurs… Il est donc préférable de diversifier les approvisionnements. Prendre les mâles chez un fournisseur, les femelles chez un autre (en étant certain qu'il s'agit bien de la même forme chromatique !).

Combien de poissons pour former un couple ? Avec deux poissons vous avez une chance sur deux d'avoir un couple, et autant de ne pas en avoir ! La base satisfaisante c'est cinq à six sujets.

En fait il y a une règle de base, numéro 4, à ne jamais oublier : vouloir produire des poissons aussi beaux que ceux qu'on voudrait acheter !

       Faire reproduire

Vous avez acheté les poissons de vos rêves et après la quarantaine réglementaire vous les avez introduits dans votre aquarium. Vous espérez maintenant les faire reproduire. Cela peut souvent paraître facile car les Cichlidés ont la réputation de se reproduire facilement. En fait, il faudra mettre tous les atouts de votre côté pour mener à bien cette reproduction.

La première des choses est de donner aux poissons un environnement non stressant. Souvent les poissons semblent être en parfaite santé, mangent, évoluent tranquillement dans le bac et pourtant ne se reproduisent pas. Parfois les pontes ont lieu mais les œufs ne sont pas fécondés ou mangés. L'aquariophile se demande alors ce qui se passe affublant le vendeur de tous les noms, voire même l'accusant de stériliser ses poissons ! Avec un peu (disons même beaucoup) d'expérience, on peut aisément se rendre compte que quelque chose ne va pas. Certes les poissons sont en parfaite santé mais ça ne suffit pas toujours au bien être menant à la reproduction. C'est lorsque l'on peut assister à la pariade qu'on se rend compte du problème. Les "amants" sont alors dérangés par des intrus qui dérobent les œufs ou, plus subrepticement, les dérangent simplement en occasionnant une non fécondation des ovules. Le problème est là !!! La première des choses pour réussir une reproduction est d'avoir un couple dont, au moins, le mâle sera dominant sur, au moins, une partie du volume disponible. Dans le cas contraire il ne peut suffisamment assurer la défense du territoire pour ne pas être importuné. Cet environnement psychologique favorable est indispensable c'est là que l'on reconnaît les bon cichlidophiles, ou du moins ceux ayant de l'expérience.

L'alimentation des reproducteurs est également un facteur essentiel pour une bonne réussite. Il faut éviter la mono-alimentation et privilégier une alimentation variée, riche et fréquente (deux fois par jour). Il est également impératif d'adapter la qualité de la nourriture aux exigences naturelles des poissons. Ainsi on ne nourrit pas de la même manière des Cyprichromis et des Tropheus, pourtant issus du même lac. Les premiers sont zooplanctophages et demanderont donc une nourriture constituée de fines particules de crevettes, Artemia etc. alors que les seconds demanderont une nourriture riche en produits végétaux. Il faut donc adapter l'alimentation en fonction des espèces que l'on maintient. Cela n'est pas toujours facile dans un bac communautaire contenant des espèces aux besoins alimentaires divers. Les nourritures "maison" sont, en général un bon compromis.

       Elever les jeunes

Correctement nourris et maintenus, vos poissons se sont reproduits. Certains incubent, d'autres surveillent attentivement une nuée d'alevins. Que faire ?

Le premier conseil que l'on pourra donner est de ne pas vouloir élever une "quantité industrielle" de jeunes. Que faire ensuite des 200 ou 300 nigros qui vont occuper vos bacs ??? Il faut donc réfléchir à l'espace que l'on pourra leur offrir. Si un bac d'une cinquantaine de litres peut convenir au départ, il faudra rapidement envisager un bac plus grand (200 à 300 litres) pour que la croissance se poursuive normalement. Mais un deuxième couple vient de se reproduire. Pour leurs alevins il faudra aussi une demeure adéquate et éventuellement différente de celle des précédents puisque les tailles sont différentes !

Donc : on ne prélève que ce que l'on peut élever dans de bonnes conditions, c'est à dire que si l'on dispose d'une installation qui le permet.

Il est souvent préférable de n'élever que deux à trois dizaines d'alevins par espèce plutôt qu'une grande quantité, ils seront mieux, et plus facilement, élevés.

Il faut également penser que toute cette marmaille devra être correctement alimentée. Une carence alimentaire provoque une croissance ralentie. La nourriture "de base" de l'éleveur de Cichlidés est constituée par les nauplii d'Artemia salina. Cette nourriture est très riche, favorise la croissance et la coloration des poissons. De plus, ces petites crevettes pouvant vivre quelques heures en eau douce ne polluent pas le bac puisqu'elles sont consommées ultérieurement par les poissons initialement rassasiés. Une alimentation correcte des alevins consiste en au moins deux distributions journalières, si cela est possible trois. Ce qui implique une production importante de nauplii, donc une installation conséquente. Des compléments alimentaires à base de nourritures du commerce (paillettes ou granulés de bonne qualité) réduits en poudre pourront également diversifier le menu de ces alevins.

Donc : on pourra les alimenter de façon correcte.

Le dernier point important de la reproduction est la sélection des jeunes. Il est impératif de distribuer des poissons de qualité, pour cela il est inutile d'élever des jeunes ayant des déformations ou des retards importants de croissance. La sélection devra donc être rigoureuse. Tout poisson mal formé devra être supprimé, toute ponte comportant un nombre important de déformés devra être supprimée dans sa totalité et la qualité des reproducteurs réétudiée. Attention, un taux important de nitrates dans un bac d'élevage peut provoquer des malformations qui ne sont pas génétiques, une amélioration de la qualité de l'eau lors des pontes ultérieures peut pallier cet inconvénient.

Donc : on sélectionnera les jeunes qui seront distribués aussi bien que les reproducteurs que l'on aura achetés.

On pourra terminer par la cinquième règle : élever des poissons c'est bien, surtout quand on le fait pour le plaisir. Quand on n'a plus qu'une vue mercantile de la chose, les conséquences ne sont généralement pas favorables à la qualité.

Autres articles

Retour au sommaire