Cichlidés, maintenance et taille du bac ! Article publié dans Aquaplaisir n°43

 
Pour commencer, prenons un exemple.

Je vais avoir un nouvel aquarium de 400l, spécial "Tanganyika" ; il y aura un décor rocheux, quelques plantes, des coquilles d'escargots. La filtration sera composée de charbon actif, laine de perlon, mousse bleue. La population va être composée de:
- Cichlidés du Tanganyika : (espèces en couples) Cyphotilapia frontosa, Altolamprologus compressiceps, Julidochromis regani, Neolamprologus brichardi, Tropheus duboisi, Neolamprologus leleupi, Lepidiolamprologus nkambae, ainsi que un mâle et trois femelles de Cyprichromis leptosoma.

- Cichlidés étrangers aux Tanganyika : un couple de Paratilapia polleni, un mâle Steatocranus casuarius
- Autres poissons : 1 Polypterus senegalus, 1 Calamoichthys calabaricus, 1 Tetraodon mbu, 3 Monodactylus sebae, 2 Synodontis nigriventris, 3 Synodontis (de grosse taille) 1 Hypostomus plecostomus, 1 Gerynocheilus aymonery

Question : Ma population va-t-elle bien cohabiter ?

Je vous vois déjà tous sourire à la lecture de cette énumération. Vous pensez que j'ai abusé du bon Calvados normand ou que je me suis baigné dans la Seine et que, après avoir bu la tasse, mes cellules nerveuses ont été irrémédiablement endommagées. Que nenni mes bien chers frères. Cette question a été posée à Eric Genevelle, (Votre sourire va s'accentuer quand vous saurez qu'elle a été posée par………………….. un vendeur en animalerie !!!!!!

Moralité : y'a du boulot !!!

Autre exemple (totalement inventé, celui-là) :

Vous êtes l'heureux possesseur d'un bac de 350 litres et souhaitez y introduire quelques Cichlidés du Malawi. Soucieux de bien faire, vous vous procurez un livre "de base", disons, le "Guide Back to Nature" de Ad Konings. Vous feuilletez cet ouvrage et vous y trouvez votre bonheur. Votre choix se porte alors sur trois espèces pour lesquelles le volume minimal conseillé est de 350 litres. Tout doit coller, il faut 350 litres au moins, j'ai 350 litres ; je vais donc aller acheter un couple de Nimbochromis livingstonii, un autre de Nimbochromis polystigma et un troisième de Nimbochromis venustus. Cela ne fera jamais que six poissons. Tiens, il y a des "Steveni Taïwan", je regarde le livre : 250 litres, génial, je peux les mettre.
Je rentre chez moi, j'introduis les poissons dans mon bac et après quelques jours d'observation les ennuis commencent. Pas de chance, la femelle venustus était prête à pondre et son mâle a décidé de la satisfaire. Pour lui cela ne pose aucun problème, il suffit d'éloigner tout intrus. Facile à dire, il suffit de taper dedans jusqu'à ce qu'il sorte du territoire. Le problème du venustus c'est que son territoire, en milieu naturel est un peu plus grand que 350 litres. Ne parlons pas de N. livingstonii dont le territoire alimentaire dans le lac fait 40 m de long (McKaye, 1981) ! Dans ces conditions comme on ne peut pas étirer les vitres du bac il n'y a plus qu'à compter les points. En général, celui qui est en phase reproductive est plus motivé que son adversaire. Donc notre venustus va commencer par taper dans ce qui lui ressemble, au cas où l'énergumène aurait des vues sur sa femelle. Et un livingstonii, et un polystigma !! Pour le "Taiwan Reef" comme il est caché derrière les roches depuis trois jours, on verra ça à une date ultérieure.

Madame venustus étant satisfaite et ayant la bouche bien pleine va aller se réfugier à l'abri des ardeurs de son compagnon derrière les roches, où elle retrouve le "Taïwan Reef" et Madame ainsi que deux veuves éplorées. Stress, les colocataires ne veulent pas d'elle ! Elle a beau leur expliquer gentiment qu'il y a un satyre qui l'attend à l'avant du bac, rien n'y fait, il faut déménager.

Pour peu qu'une des veuves soit, à son tour, prête à pondre, le venustus répudie sa compagne pour aller faire quelques bâtards avec Mme polystigma ou livingstonii. Scène de ménage ! Les écailles volent et les nageoires sont en lambeaux. Mme venustus va rejoindre le paradis des Cichlidés.

Scénario catastrophe digne de la "Tour infernale" et du "Retour de Frankenstein" réunis.

Konings en conseillant 350 litres a-t-il abusé de la dive bouteille, lui aussi, lors d'un de ses passages à nos congrès ? Non, il a raison. Le problème c'est qu'un paramètre n'est pas indiqué : 350 litres d'accord, mais pour un couple, voire un trio. Un point c'est tout. Après ? Et bien après il y a la densité. On estime habituellement qu'un Cichlidé a besoin de 3 à 4 litres d'eau par centimètre de poisson adulte. Reprenons nos venustus taille cumulée d'un couple : 40 cm soit 160 litres. Ca y est, ça ne colle pas , 160l par ci, 350, par là. Où est le problème ? On n'en sortira jamais !

En fait, 350 litres c'est en bac spécifique, de façon à ce que Mme puisse échapper à l'hyper activité sexuelle du Monsieur. 160 litres, c'est en bac communautaire. Reprenons notre population de départ : 3 couples de 40 cm et un couple de 30cm, total : 150 cm soit 600litres !! Cela change tout !

Certains vont penser qu'avec 600 litres pour 8 poissons, c'est le paradis. D'autres vont tout de suite se rendre compte que quelque chose ne colle pas et qu'il va y avoir du grabuge.

Reprenons notre population de départ, celle que, finalement, vous n'avez pas introduite dans votre 350 litres. Elle est placée dans un bac de 600 litres. Là tout va bien, les poissons nagent paisiblement, de temps en temps une colère de l'un remet l'autre en place, juste histoire de montrer qu'il faut un patron dans le bac. Puis une femelle est prête à pondre. La cohabitation devient un peu hasardeuse mais, globalement ça se passe plutôt bien. La ponte a lieu normalement, les intrus sont chassés mais ont, malgré tout, suffisamment d'espace pour se cacher. Le Monsieur venustus a honoré sa belle après avoir repoussé Mr livingstonii, lui même dominant Mr polystigma. Quant à Mr "Steveni Taïwan", il navigue, indifférent au milieu de ce nuage de Nimbochromis (les initiés apprécieront le jeu de mot !!). Madame polystigma se sent soudain des envies de maternité, l'abdomen rebondi, l'oviducte saillant, elle libère de douces phéromones, juste histoire de réveiller son mâle endormi derrière une roche. Et les ennuis commencent ! C'est le mâle livingstonii qui répond à l'appel en chassant le polystigma qu'il domine depuis des jours. D'où vient le problème ? Tout cichlidophile un peu expérimenté se sera rendu compte que la cohabitation polystigma/livingstonii est à proscrire, les deux espèces étant beaucoup trop proches.
Le deuxième enseignement que l'on peut tirer de cet exemple totalement absurde c'est que le choix des espèces doit être fait de façon à ce que les poissons soient relativement distincts. Voilà pourquoi notre "Taïwan Reef" n'éprouve aucune difficulté dans ce bac car il est trop différent des autres espèces pour représenter une concurrence sur le plan sexuel. La population du bac pourrait donc se composer de la façon suivante : 1/1 N. venustus, 1/1 Protomelas "Taïwan Reef" et, pour remplacer les autres Nimbochromis, 1/1 Cheilochromis euchilus et 1/1 Mylochromis gracilis deux espèces conseillées également dans le livre précité pour des aquariums de 350 litres. On a ainsi une population suffisamment hétérogène dans ses caractéristiques morphologiques pour espérer ne pas avoir de problème de cohabitation et/ou d'hybridation.

Cet exemple a, volontairement, été donné avec des espèces peu territoriales ou, du moins, ne défendant un territoire que lors de la courte phase de ponte. Evidemment le problème se corsera avec des espèces défendant des territoires de pontes pendant un temps plus long, les Lamprologues du Tanganyika ou les grands Cichlidés centraméricains par exemple ou encore les espèces défendant un territoire alimentaire comme certains mbunas. Ne parlons pas des espèces qui défendent un territoire quasiment à vie comme les Julidochromis ou les Neolamprologus brichardi qui, passant leur temps à pondre, ne font que surveiller vaillamment leur territoire.

Quant à notre premier exemple, le bac de 400 litres pourra contenir : le couple de Paratilapia polleni ou de Cypho (qui se sentiront l'un et l'autre à l'étroit) ou les lamprologues, ou les Tropheus (en banc et non en couple).

L'enseignement qu'il faut tirer de tout cela c'est que la maintenance des Cichlidés n'est pas une science exacte. Nous devons tenir compte des qualités physico-chimiques de l'eau mais bien plus encore des comportements des diverses espèces (ou groupes d'espèces). Pour cela seule l'expérience peut rendre de précieux service. Or celle-ci ne s'acquérant qu'après de longues années, il ne faut pas hésiter à prendre des conseils précieux auprès des vieux spécialistes. Vous y gagnerez du temps et de l'argent.


 
 
 

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