Introduction aux Cichlidés du lac Victoria publié dans AP n°35 |
Depuis une vingtaine d'années, les
Cichlidés de l'Est africain sont l'objet d'un grand engouement de
la part des aquariophiles. Selon les modes on trouve plus ou moins facilement
de nombreuses espèces en provenance des deux grands lacs du Rift
: le Tanganyika et le Malawi. Toutefois, le plus étendu
des lacs africains est le Victoria. Contrairement aux deux premiers
qui sont des lacs longs, étroits et profonds, il occupe une vaste
cuvette peu profonde (60 à 100 m) de 400 km du Nord au Sud sur 320
km d'Est en Ouest.
La qualité physico-chimique des
eaux est la suivante : pH de 6,9 à 9 – Conductivité : 145
micro siemens/cm. Température de 21 à 29°.
La transparence des eaux est très
différente de celles des autres grands lacs et, il faut bien l'avouer
inquiétante : 8 m au maximum en 1929 (Graham), 4,2 m (mais souvent
1 mètre) vers 1990 (Seehausen) et guère plus de 15 cm récemment
à Kizumu (Lerezolier, Rev. Franç. Des Cichlid. 02/1999).
Cette diminution de la visibilité s'explique par différents
facteurs dont le déboisement des rives, les terres sont alors lessivées
par les pluies et la boue se disperse dans le lac. La surpopulation des
rivages est également un grand facteur de pollution. Ce surplus
de matières organiques provoque ensuite une prolifération
de plantes flottantes (jacinthes d'eau) qui arrêtent la lumière.
Cette perturbation considérable du milieu est bien pire, à
long terme, que l'introduction de la Perche du Nil (Lates niloticus)
dans les années 60 qui, certes, a provoqué la disparition
d'un grand nombre d'espèces pélagiques ou benthiques mais
qui avait épargné les espèces pétricoles (Mbipi,
équivalents des Mbunas du Malawi). Les Mbipi sont maintenant très
sérieusement menacés par la pollution du milieu et des études
récentes ont montré que la coloration chatoyante des mâles
devenait grisâtre dans ces eaux boueuses et que les femelles n'étaient
plus capables de reconnaître les mâles de leur propre espèce.
Il peut paraître étonnant que les poissons évoluent
ainsi aussi rapidement mais il faut savoir qu'on a découvert récemment
que le lac était à sec il y a 12400 ans. Cela signifie que
toutes les espèces, et elles sont nombreuses, ont évolué
(en forme et en couleur) à partir d'un ancêtre commun depuis
ce temps. Il est donc peu étonnant que les couleurs évoluent
en quelques années seulement.
Des programmes de sauvegarde en captivité
ou dans des sanctuaires préservés à proximité
du lac sont en cours de réalisation.
Si la variété des Cichlidés
est importante dans le lac, il n'en est pas de même dans nos aquariums
puisque à peine plus d'une dizaine d'espèces peut être
rencontrée régulièrement. Et encore, elles ne viennent
pas toutes du lac lui-même, certaines provenant des bassins adjacents
des lacs Kyoga, Edward ou Albert. La rareté
des espèces s'explique par l'absence de collecteurs en raison de
conditions politiques difficiles depuis de nombreuses années.
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Conseils pour la maintenance des Cichlidés du lac Victoria
La plupart des espèces rencontrées sont de taille relativement modérée, c'est à dire une douzaine de centimètres. Il s'agit le plus fréquemment de Mbipi dont le comportement est intermédiaire entre celui de leurs homologues du Malawi, les Mbunas, et celui des "Haplos" de ce même lac. Toutefois certaines espèces, je pense notamment à celle connue sous "sp 44" sont particulièrement agressives (j'ai beaucoup de mal à maintenir plus de un mâle dans un bac de 2,50 m !) alors que d'autres sont un peu plus calmes (dans ce même bac j'ai trois mâles et un troupeau de femelles de Astatotilapia latifasciata)
Les espèces étant parfois difficilement identifiables, il est impératif de prendre un certain nombre de précautions :
1/ Acheter chez un vendeur sûr, c'est à dire capable de vous dire de quelle espèce il s'agit et certain de vous vendre des poissons appartenant bien à la même espèce, et non un mâle d'une espèce et une femelle d'une autre espèce.
2/ Etre certain de ne pas être en possession d'hybrides.
3/ Il y a peu d'espèces disponibles et, comme nous l'avons vu, elles ont une forte tendance à évoluer rapidement. Il arrive donc de plus en plus fréquemment de trouver des poissons un peu bizarres. Je pense notamment à Astatotilapia latifasciata du lac Nawampassa (plus connu sous "zebra obliquidens" ou "zebra") dont les barres verticales sont de plus en plus anormales. Ces anomalies étant essentiellement dues à une consanguinité importante liée au manque de sang neuf apporté par les sujets sauvages.
La maintenance idéale de ce genre de poissons se fera donc dans un bac de 200 litres dans lequel on ne maintiendra qu'une espèce (Un mâle pour trois à quatre femelles) ou, éventuellement deux espèces dont les femelles seront radicalement différentes de façon à éviter tout risque d'hybridation.
Dans un grand bac il est possible de faire cohabiter plusieurs espèces mais toujours en veillant à ce qu'elles ne soient pas trop proches l'une de l'autre.
Ainsi, parmi les espèces couramment
disponibles sur le marché on pourra assez facilement maintenir ensemble
et sans risque les espèces suivantes : A. latifasciata, Paralabidochromis
"Rock
kribensis",
"Haplochromis Flame Back", "Haplochromis
44" (=? "Thick Skin"),
Astatotilapia
nubila. Un grand aquarium ainsi peuplé vous garantira couleurs
et animation.
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La reproduction :
Lors d'un de ses passages en France à l'occasion d'un congrès de l'Association France-Cichlid Paul Loiselle de l'Aquarium de New-York nous disait :
"On dit toujours que les Cichlidés du lac Victoria se reproduisent comme des lapins. Il serait plus juste de dire que ce sont les lapins qui se reproduisent comme des Cichlidés du Victoria !"
Cela est particulièrement vrai dans des bacs spécifiques (une seule espèce maintenue) par contre il arrive souvent que, en bac d'ensemble, certaines espèces dominent tant le bac qu'elles empêchent les autres de se reproduire en les stressant.
Le mode reproducteur est tout à fait classique : position en "T" et incubation buccale maternelle durant trois semaines. Les jeunes peuvent être très nombreux (j'ai compté près de 100 alevins pour une femelle A. latifasciata) et il n'est peut-être pas utile d'élever la totalité d'une ponte pour ne plus savoir qu'en faire.
Il semble que les qualités physico-chimiques
de l'eau influent fortement sur le sex-ratio et il est ainsi fréquent
de n'avoir pratiquement que des femelles, ou que des mâles !
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