Nimbochromis
venustus,
ne pas mettre entre toutes les mains ! |
La version courte a été
publiée dans Aqua Plaisir 91
Juillet 2004 |
Nimbochromis venustus
est une des grandes espèces du lac Malawi les plus aisément
disponibles dans le commerce aquariophile. Il séduit souvent par
sa coloration juvénile jaunâtre marquée de losanges
plus sombres. Quand on " se promène " sur le web on est souvent
très surpris de constater qu’il y a de nombreuses questions sur
cette espèce et plus particulièrement sur sa maintenance.
Tout cela serait bien ordinaire si la très grande majorité des questions ne se résumait pas à : " Que mettre avec mon trio de venustus ? Ils sont dans un bac de 300 litres en compagnie de telle et telle espèce " |
La réponse est simple : RIEN, il
n’y a rien à mettre avec un trio de venustus dans un 300
l.
Tout simplement parce que cette espèce n’a strictement rien à faire dans un bac de cette taille ! Il est d’ailleurs assez étonnant que ce poisson ne soit pas déconseillé aux possesseurs de petits bacs par les commerçants aquariophiles. Et pourtant, si l’on prend en référence la densité moyenne généralement conseillée de 3 à 4 litres d’eau par centimètre de poisson adulte, nos trois venustus (accordons leur une taille moyenne de 20 cm) devront donc bénéficier d’un volume de 240 litres ; si on prend cette donnée théorique pour un poisson on obtient 60 à 80 litres… défense de rire. Ce qui est totalement aberrant pour tous ceux qui connaissent un peu ces poissons. En effet cette base théorique ne tient absolument pas compte du comportement des poissons. Malheureusement, certains ouvrages récents semblent se contenter de ces données ce qui induit le lecteur en erreur et peut conduire à des fautes de maintenance considérables. Il faut donc être capable d’interpréter les données pour chacune des espèces à la condition d’en connaître le comportement. Ainsi si nous maintenons nos trois venustus avec deux autres trios de taille sensiblement égale nous obtenons, selon la même règle, un volume de 750 litres ce qui est nettement plus acceptable. Il est donc réaliste d’utiliser cette règle en grand bac communautaire plutôt qu’en bac strictement spécifique. Mais nous avons déjà évoqué le problème. Reprenons quelques données simples : ce poisson prédateur atteint très largement 20 à 25 cm, a besoin d’une grande zone d’eau libre pour nager et est doté d’un comportement pour le moins tyrannique à l’égard de ses colocataires particulièrement exacerbé en période de reproduction. Donc si un sujet solitaire peut être maintenu dans un tel bac sans trop de problèmes, justement parce qu’il est solitaire et donc non stimulé par la présence d’un(e) congénère, il en est tout autrement dès qu’il est maintenu en couple ou trio. Le mâle dominant va pourchasser sans cesse les femelles pour tenter de les séduire et va frapper tout ce qui posera une nageoire sur son territoire.. et dans un aquarium de 300 litres son territoire est limité par les vitres ! Donc inutile d’espérer le bien-être des cohabitants ! Quel volume ? Il semble utile avec cette
espèce de ne pas descendre en dessous de deux mètres de façade
pour environ 800 litres, et ceci devrait être considéré
comme un minimum pour la bonne harmonie de la population. Celle-ci devra
être constituée préférentiellement d’autres
grands " Haplo " capables de lutter à rames égales, voir
de Mbunas pas trop tyranniques ni trop virulents… mais le venustus est
capable de faire face !
Comment aménager le bac ?
D’un point de vue technique, la maintenance
des ces grands poissons ne diffère guère de celle des Mbunas
: filtration importante et oxygénation maximale, pH le plus proche
possible de 8,0 avec, si possible, une eau pas trop dure car, contrairement
à ce qui est dit parfois, l’eau du Malawi est relativement douce
(TAC = 13 environ). Par contre ces poissons souffrent davantage de la surpopulation
que les Mbunas et certains échecs dans la reproduction sont souvent
liés au fait que les sujets, perturbés par leurs voisins,
ne sont pas dans des conditions optimales pour assurer leur descendance.
Une autre différence avec les mbunas réside dans la non survie
des alevins en bac communautaire. En effet, si les jeunes Mbunas se cachent
facilement dans le décor, les jeunes " haplos " restent en pleine
eau ou en zone dégagée et sont donc la proie des poissons
adultes. Si l’on souhaite en faire l’élevage il conviendra donc
de retirer la femelle en fin d’incubation et de la placer dans un bac spécifique
le temps qu’elle lâche ses jeunes. Notons que N. venustus
étant une espèce largement reproduite, des tares apparaissent
souvent sous forme d’irrégularité des marques mélaniques,
celles-ci se transformant en barres verticales au lieu de losanges. Des
hybridations peuvent également être à l’origine de
ces tares. De nombreux hybrides avec N. venustus sont signalés
dans les milieux aquariophiles, ceci est certainement dû au fait
que les mâles de l’espèce étant hégémoniques,
ils peuvent se reproduire avec toute femelle prête à pondre
d’une autre espèce en excluant du processus le mâle de l’espèce
concernée si celui-ci n’a pas un caractère très affirmé.
Si l’aquariophile n’est pas présent au moment de la ponte il peut
ne se rendre compte de l’hybridation que lors de la croissance des jeunes.
Il est donc indispensable de bien choisir ses reproducteurs. Rappelons
aussi que tous les hybrides ou sujets déformés ne devraient
jamais être mis sur le marché, même en les donnant à
des amis car on n’est jamais sûr de ce qu’ils deviendront ensuite.
Les autres Nimbochromis. Le genre Nimbochromis a été
décrit en 1989 par Eccles et Trewavas à l’occasion de leur
publication sur les " Haplos " du lac Malawi. Le nom de genre fait référence
aux taches corporelles faisant penser à des nuages.
Cinq espèces sont inclues dans le genre : N. linni, N. livingstonii, N. polystigma, N. venustus, N. fuscotaeniatus. |
N. linni est caractérisé par une bouche en forme de " trompe " lui permettant d’aspirer de jeunes poissons qu’il guette près des failles rocheuses. Malgré son comportement alimentaire prédateur, ce n’est absolument pas une espèce agressive. Son patron mélanique est composé d’une multitude de petites taches brunes. | ![]() |
N. livingstonii et polystigma sont assez proches l’une de l’autre et sont relativement peu turbulentes. N. polystigma (Ci contre) a un patron de coloration caractéristique constitué de grandes taches sur lesquelles se superposent une multitude de petits points sombres. Les mâles sexuellement actifs de ces deux espèces sont parfois difficiles à reconnaître pour un œil non exercé, N. polystigma a des taches sur les nageoires pectorales, absentes chez N. livingstonii. | |
Cette dernière espèce est réputée dans le lac pour se coucher sur le flanc et faire le mort, sa coloration faisant alors penser à un poisson en état de décomposition. Tout petit poisson s’en approchant peut alors être rapidement avalé par ce " dormeur ". Ad Konings signale par ailleurs que le territoire d’un mâle peut atteindre 40 mètres dans le lac, ce qui doit donner à réfléchir pour sa maintenance en aquarium ! La cohabitation de ces deux espèces est particulièrement déconseillée en raison des forts risques d’hybridation de même qu’avec N. linni. | ![]() |
N. venustus est l’espèce la plus massive du genre, Les mâles adultes présentent une bande jaune soufre allant du museau à l’extrémité de la dorsale, le reste du corps étant bleu lumineux ; toutefois j’ai pu voir il y a longtemps au MAAO des mâles entièrement jaune-soufre. | |
N. fuscotaeniatus est certainement l’espèce la plus virulente du genre, particulièrement en période de reproduction. Son appartenance au genre est d’ailleurs controversée (Konings 1989) puisqu’il semble morphologiquement beaucoup plus proche des Tyrranochromis que des Nimbochromis. |
Nous ne pouvons
donc que conseiller aux possesseurs de petits aquariums de ne pas tenter
de se lancer dans la maintenance de ces grands prédateurs. Certes
un bac de 300 litres est davantage adapté à la maintenance
de Mbunas mais il est également possible pour ceux qui ne souhaitent
pas se plier à la mode actuelle de maintenir quelques " Haplos "
de taille modérée voire même de Lethrinops,
genre sabulicole peu agressif et aux couleurs attrayantes.
© 2004 Philippe Burnel |