Sauvetage inespéré

Il était une fois (Once upon a time, comme ils disent les british). C'est ainsi que commencent toujours les belles histoires et contes de fées.
Once upon a time, donc. Il y avait dans mon bac de M'bunas une petite communauté assez sympathique. Chacun vivant en bonne entente avec les colocataires ; les rejetons des uns se mélangeant avec ceux des autres. Bref, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Il y avait bien ce trio de "Pseudotropheus" sp "Msobo Magunga" (couple sauvage et 1 femelle F1) qui refusaient obstinément de me donner des jeunes. Il y avait des pontes mais aucune n'arrivait à terme. Patience et longueur de temps étant la règle de base de l'aquariophile, j'attendais donc tranquillement.
Le mâle était d'une magnifique couleur bleu nuit marquée de taches irrégulières bleu ciel et les femelles jaune citron du plus bel effet.
Tout allait bien donc jusque vers la fin du mois d'avril. Là, surprise, je trouve le mâle un peu abîmé et refoulé à la surface. Qui pouvait être son soudain tortionnaire ? Quelques minutes d'observation suffisent pour identifier l'agresseur : sa propre femelle (sa compagne issue du lac) ! Le mâle est pourchassé vers l'autre extrémité du bac dans le territoire d'un grand mâle "zebra Chilumba".
 
Rapidement je place en surface et aux deux extrémités du bac des amas de tubes PVC, espérant que, comme cela se passe habituellement, le poisson y trouve un refuge et s'y refasse une santé.
(Voir l'article sur le sujet) Mais cet idiot ne s'y cache pas ! Il se fait lamentablement éplucher et, quelques jours plus tard, c'est un poisson moribond que j'attrape avec facilité à l'épuisette.

Il me semble condamné à une mort prochaine. La caudale est réduite à un moignon, de nombreuses écailles ont été arrachées. Il ne respire quasiment plus et sa position "ventre en l'air" ne laisse rien présager de bon quant à son avenir. Faute de place, il est placé dans le compartiment de réception du filtre à décantation. Là, il gît lamentablement sur le fond, ventre en l'air. Je devrais le sacrifier mais le souvenir de sa beauté perdue m'en empêche. Il se passe ainsi plusieurs jours, peut-être même deux semaines, pendant lesquels il repose ainsi, refusant la nourriture, se laissant mourir. C'est tout juste si le mouvement des opercules laisse entrevoir un léger souffle de vie.

Un matin, c'est la surprise : il repose toujours au fond mais il a retrouvé son équilibre, le dos vers le haut ! Il accepte quelques paillettes de nourriture. Petit à petit ses plaies se cicatrisent, les nageoires repoussent, à l'exception de la caudale, bien abîmée.
Début juin, son état s'est très nettement amélioré. Comme il s'alimente correctement, il est placé dans un bac de 250 litres en compagnie de jeunes M'bunas. Là, la caudale commence à très légèrement repousser.

Mi juin : La pompe du bac tombe en panne. Les jeunes sont placés dans le bassin extérieur et le mâle est remis dans le filtre.
Début juillet : je pars en vacances.
Début août : Retour de vacances. Le mâle est en super forme dans le filtre, visiblement il n'a pas envie d'y rester. Il serait très tentant de le replacer dans le bac mais la femelle y a pris des couleurs un peu foncées, comme un jeune mâle. Visiblement elle a du caractère et comme elle est maintenant un peu plus grosse que son compagnon, il y a danger !

Réfléchissons : Si je remets le mâle, 9 chances sur 10 pour qu'il se fasse massacrer, donc il faut habituer la femelle à sa présence.
Bricolage : Je me souviens alors d'un bricolage réalisé par Gérard Semence, notre spécialiste "Malawi". Il suffit de confectionner une cage.
 
Matériel
1/ Un seau en plastique dont on découpe le fond à 2 ou 3 cm de hauteur et dans les bords duquel on va faire quelques trous.
2/ Un grillage en plastique dont la longueur est au moins égale à la circonférence du seau et la largeur égale à la hauteur d'eau 
3/ Du fil de fer plastifié pour lier seau (grâce aux trous) et grillage de façon à former un tube dont une des extrémités est constituée par le fond du seau, l'autre restant ouverte au dessus du niveau de l'eau.
4/ Un gros caillou pour lester l'ensemble. Tout cela est placé verticalement dans l'aquarium.

(Ce système est également utile lors des bourses pour isoler certains poissons) 

Je place donc ma cage en plein milieu du territoire de la femelle et j'y introduis le mâle.

AÏE !!! Heureusement que le grillage est là ! La femelle furieuse se rue sur son "compagnon" ! Visiblement elle n'a pas vraiment envie de se laisser conter fleurette et l'introduction définitive du mâle semble compromise.
Il faut inverser les positions ! Cette idiote tapant frénétiquement contre le grillage ne voit pas l'épuisette arriver (c'est bien une blonde !). Et hop, dans le filtre. " Bien fait, chacun son tour " semble dire le mâle qui est libéré de sa prison.

Le garçon est bien timide, il va se cacher en surface, au-dessus de massifs d'Anubias.
La cage devenue inutile est retirée du bac.
Il faudra encore quelques jours au poisson pour évoluer normalement dans l'aquarium.
Sa caudale commence à reprendre une forme quasi normale. Il mange bien et va, de temps à autre, narguer la femelle qui a retrouvé sa belle robe jaune d'or, semblant lui dire :
" Sors de là, maintenant que je suis en forme, tu vas voir ce que tu vas prendre, S____E " (sic)

Fin août : je ne vais pas laisser la femelle indéfiniment dans le filtre. Je replace ma cage improvisée et y glisse le poisson. Tout va bien. Le mâle semble indifférent. La femelle s'excite.
Deux jours dans la cage et elle est libérée.
Je craignais qu'elle ne soit toujours aussi agressive. En fait, elle se fait pourchasser. Un mâle Melanochromis dialeptos ne semble pas la porter dans son cœur, elle s'enfuit pour aller chez le zebra…. mauvaise idée ! Elle revient et se met à la vue de son mâle… tiens, prends ça ! La pauvre ne sait plus où aller… quelques cailloux… là, on est bien.

Progressivement elle a repris sa place dans l'aquarium. Beaucoup plus méfiante qu'auparavant elle semble éviter le mâle qui, de toute évidence, a de la rancune. Enfin, qui sait, l'histoire se terminera peut-être par : "Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants"….

Moralité (toute histoire en a une) : il ne faut pas désespérer de l'état d'un poisson et avec un peu d'imagination on arrive toujours à s'en sortir. J'espère que cet article vous donnera quelques idées pour ne pas laisser vos poissons se faire massacrer.

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