Deux Lamprologues à découvrir publié dans Aquaplaisir n°37

Le genre Neolamprologus est le plus important genre de Cichlidés du lac Tanganyika. Comme je l'ai déjà souligné dans ces colonnes (Le complexe N. brichardi), il s'agit d'un genre très hétérogène. Si certaines espèces sont bien connues et largement distribuées dans les milieux cichlidophiles, d'autres restent beaucoup plus confidentielles. Voilà pourquoi je vous propose ce mois-ci de découvrir deux de ces Lamprologues un peu méconnus et assez particuliers au sein du genre : N. fasciatus et N. furcifer.
 
 
N. fasciatusest un poisson assez allongé et comprimé latéralement. Il ressemble à un Altolamprologus qu'on aurait un peu étiré. Là ne s'arrête pas la ressemblance. Il présente aussi des barres verticales, il a un grand nombre d'épines anales (10 pour 10 à 13 chez Altolamprologus), son mode de reproduction est identique et la croissance des alevins est désespérément lente. 
En fait cette espèce pourrait être considérée comme la transition entre les genres Neolamprologus et Altolamprologus, voire même intégrée au genre Altolamprologus. Cette dernière hypothèse semble d'ailleurs faire son chemin et certains ont déjà inclus l'espèce dans les Altolamprologus. Toutefois cela nécessiterait une redescription du genre ce qui n'est pas encore fait. Voilà pourquoi je le maintiens encore parmi les Neolamprologus, certainement très provisoirement.
 

Sa coloration de base est le jaune verticalement rayé de noir. Incontestablement sa gueule lui donne un aspect de prédateur et son aspect général rappelle le brochet mais son comportement en aquarium est tout à fait paisible même s'il ne dédaigne pas éventuellement se jeter sur un alevin. Toutefois il se nourrit en milieu naturel également de petits crustacés. Ce n'est pas un poisson timide et il se cache assez peu, préférant évoluer à quelques dizaines de centimètres au-dessus des rochers à assez faible profondeur. Sa taille reste relativement modérée (12-15cm) permet de lui octroyer un bac de taille modérée.

Malgré sa très vaste répartition géographique, il ne présente pas de variétés chromatiques différentes d'un point du lac à l'autre. En cela il diffère des Altolamprologus et plus particulièrement de A. compressiceps.

La ponte a lieu dans une anfractuosité dans laquelle seule la femelle peut pénétrer. Il peut s'agir d'un simple trou dans une roche mais le meilleur abri sera certainement une coquille de gastéropode adaptée à sa taille. Je me souviens avoir vu des photos présentées par H. Büscher sur lesquelles on pouvait voir des N. fasciatus qui avaient élu domicile dans une mâchoire d'hippopotame, et plus précisément dans les orifices laissés libres par les dents !

Lors des pontes, il est remarquable de constater comment la femelle obstrue l'orifice de sa cachette avec son corps, empêchant ainsi toute prédation venue de l'extérieur.

Les jeunes sont vite indépendants et perdent donc rapidement le bénéfice de la protection parentale. De plus comme leur croissance est extrêmement lente ils arrivent rarement au stade adulte en bac communautaire. Par conséquent si l'on souhaite espérer perpétuer l'espèce il sera indispensable de prélever les jeunes pour effectuer un élevage en bac spécifique. Ce prélèvement ne pose pas de problème. Il suffit de sortir la coquille ou la roche dans laquelle la femelle est cachée pour la vider dans le bac d'élevage, 8 à 10 jours après la ponte (estimée quand la femelle n'est plus observée dans l'aquarium). Evidemment si la roche pèse 25 kg c'est problématique. Ce qui est également problématique c'est de réussir à sortir les larves alors que la femelle s'obstine à fermer l'orifice ; avec une grosse coquille ça se passe bien mais dans une petite coquille ou un petit trou de 2 cm d'ouverture dans une roche ça se corse sérieusement. Il est toutefois possible de prélever une centaine de jeunes qui vous laisseront tout loisir de les observer puisque leur croissance est tellement lente qu'il ne faudra guère envisager de vous en débarrasser avant l'âge de un an, ils mesureront alors environ 4 à 5 cm ! A déconseiller à ceux qui veulent "faire du fric" !
 

La deuxième espèce, N. furcifer, est certainement encore plus remarquable.
 
Ce qui la caractérise c'est avant tout sa queue largement bifide et la bosse sur la nuque des grands mâles qui peuvent atteindre près de 20 cm. Certes ses couleurs ne sont pas particulièrement remarquables, seul l'œil turquoise cerclé de jaune ressort sur une robe quasiment uniformément brune. Le comportement est très particulier. Un peu comme les Julidochromis, ce poisson vit le ventre collé en permanence au substrat et ceci le long des pentes rocheuses et dans les anfractuosités. Il peut ainsi être vu la tête en bas le long de grosses roches ou le ventre en l'air sur le plafond d'une grotte. 
C'est donc, contrairement au précédent, un poisson discret vivant souvent caché. Toutefois, quand il se sent en sécurité, il n'hésite pas à s'aventurer hors de sa demeure pour parcourir l'aquarium à quelques centimètres au-dessus du fond.
Les formes nordiques et septentrionales sont légèrement différentes par leur coloration.

Ce poisson est, malheureusement, assez peu prisé. En effet, son aspect dans le commerce aquariophile est souvent assez peu avenant : souvent collé au sol et amaigri, il fait davantage penser à un poisson malade dont la vessie natatoire aurait un problème, ce qui est d'ailleurs souvent le cas. Lors de l'achat, le choix se portera sur des sujets collés aux vitres latérales, ou au filtre intérieur, des bacs de ventes plutôt qu'aux sujets posés sur le fond. Quand on a la chance de tomber sur des sujets sains, ce poisson apportera beaucoup de satisfactions. Certes souvent très discret, caché derrière une grande pierre par exemple, il peut devenir progressivement beaucoup moins farouche et son apparition majestueuse est alors une source de fierté.

La ponte a lieu sur un support vertical situé sur le territoire de la femelle (toujours beaucoup plus discrète que le mâle), les œufs y sont déposés puis attentivement surveillés par la mère, le mâle se limitant à la fécondation. La surveillance maternelle est très efficace et le moindre intrus est très violemment chassé, comme la dame est dotée d'une double paire de canines bien développées, il n'y revient que rarement. Cette surveillance dure environ un mois, jusqu'à la ponte suivante. Le seul problème que peut poser l'élevage est la forte agressivité intraspécifique, même chez les jeunes. Il faudra donc leur accorder un bac d'élevage assez spacieux et les tenir en compagnie de jeunes poissons un peu remuants qui feront diversion (ça marche bien avec de jeunes M'bunas).

Contrairement à l'espèce précédente, la croissance des jeunes est tout à fait satisfaisante. Ceux-ci évoluent à proximité immédiate des roches, se faufilant dans les failles à la moindre alerte.

Ces deux espèces fort intéressantes nécessiteront une bonne période d'acclimatation au cours de laquelle leur alimentation sera soignée, ceci est un des critères de réussite indispensables car les sujets commercialisés sont dans leur grande majorité sauvages, les reproductions étant encore assez rares.

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