Le nom des poissons  article publié dans Aquaplaisir N°26 - Réactualisé en mai 2001

 
 
Quel aquariophile n'a pas été surpris d'apprendre que son poisson favori a changé de nom. Le problème n'est pas spécifique à la famille des Cichlidés (il paraît qu'en eau de mer c'est encore pire !) mais il me semble utile d'expliquer, le plus simplement possible, les raisons de ces changements de nom. Plusieurs cas peuvent se présenter mais il faut savoir que tout cela ne se fait pas n'importe comment, le Code International de Nomenclature Zoologique a ses lois, parfois complexes, et il convient de les respecter.
1/ L'espèce n'avait jamais été décrite scientifiquement, elle portait un nom commercial provisoire. La publication d'une description scientifique la baptise. Ex : Melanochromis "Maingano" s'appelle maintenant Melanochromis cyaneorhabdos BOWERS & STAUFFER, 1997.
2/ L'espèce a été confondue avec une espèce décrite, l'examen approfondi révélant ultérieurement l'erreur, une description est alors nécessaire. C'est le cas du poisson communément connu dans les milieux aquariophiles sous le nom de "Haplochromis ahli" (puis Sciaenochromis ahli) qui doit maintenant être appelé Sciaenochromis fryeri. Le véritable S. ahli étant une autre espèce, proche.

3/ L'espèce est décrite puis, ultérieurement, on se rend compte qu'une description avait déjà été publiée. On applique alors la règle d'antériorité, le nom le plus ancien ayant la priorité. Ex : Neolamprologus boulengeri (STEINDACHNER, 1909) a la priorité sur N. kiritvaithai (MEYER, FOERSTER & DIECKHOFF, 1986)

Ces trois cas sont les plus courants. Un autre cas est le changement de nom du genre qui peut, dans certaines conditions, impliquer un changement de nom d'espèce.

Le changement de nom de genre a lieu le plus souvent lors de l'éclatement d'un genre plus ou moins hétérogène en plusieurs genres mieux définis. C'est le cas classique des "Cichlasoma" d'Amérique centrale ou, plus récemment, celui du "groupe Zebra" des Pseudotropheus qui doivent maintenant (et jusqu'à quand ?) porter le nom de Maylandia (après être passés par Metriaclima !).

Là-dessus il faut ajouter les immanquables querelles d'experts pour savoir si tel genre est valide, si les critères de détermination sont valables, sans parler des noms qu'on sort des oubliettes de la systématique comme Hypsophrys pour remplacer Copora. On peut aussi se poser la question de savoir si la forme des dents est un critère de distinction de genre valable ou s'il s'agit simplement d'un facteur adaptatif à tel ou tel type d'alimentation, ce que de nombreux exemples laissent entrevoir. De nombreux genres sont décrits souvent sur la base de la dentition, il faudrait alors tout revoir. Les recherches sur l'ADN, actuellement à leurs balbutiements devraient, dans un avenir plus ou moins proche, éclairer notre lanterne. Mais il ne faudra pas alors s'étonner de nouveaux changements de noms.

Le nom scientifique :

Le premier nom est le nom de genre, un peu équivalent au nom de famille chez les humains. Ex : Pseudotropheus, Cichla, Pelvicachromis etc.. Toujours écrit en italique avec une majuscule. Toujours invariable : des Apistogramma et non des Apistogrammas.

Le deuxième nom est le nom de l'espèce, le prénom des humains. Ex : elongatus, pulcher, trewavasae etc., il est écrit en italique et sans majuscule.

Vient ensuite le nom de l'auteur de la description (ou des auteurs) suivi de l'année de la publication. Des parenthèses indiquent que le nom du genre a été modifié depuis la description initiale. Ex : Lobochilotes labiatus (BOULENGER, 1898) initialement décrit comme Tilapia labiata BOULENGER, 1898.

Le nom d'espèce doit s'accorder en genre avec le nom générique s'il s'agit d'un adjectif. Pour reprendre l'exemple précédent : Lobochilotes est masculin donc labiatus et Tilapia est féminin donc labiata.
Le nom d'espèce peut aussi être donné en hommage à une personne, il se termine alors par i si c'est un homme (moorii) et ae si c'est une femme (trewavasae). Il peut aussi faire réference à une origine géographique il se termine alors par ense ou ensis (nicaraguensis = du Nicaragua). Voilà pour les cas les plus fréquents mais il existe d'autres cas plus complexes.

Parfois les aquariophiles sont confrontés à des sp, aff, cf. dont ils ne comprennent pas la signification.

  • sp. veut dire species, il indique que l'espèce n'est pas scientifiquement décrite et porte un nom commercial provisoire, souvent placé entre guillemets, non écrit en italique et souvent avec un majuscule, cela pour bien le différencier d'un nom scientifique valide. Ex : Maylandia sp. "Zebra Chilumba" : espèce de Maylandia non décrite proche du zebra et originaire de Chilumba. Normalement si le nom commercial est entre guillemets et sans italique, le sp est superflu.
  • aff = affinis indique que l'espèce est proche de .. ex : Maylandia sp. aff. "Zebra" : espèce de Maylandia non déterminée, proche du zebra.
  • cf. = confer indique que l'espèce est probablement celle qui est indiquée mais sans certitude absolue (souvent quand on ne peut identifier une photo). Ex : Maylandia cf greshakei : on suppose que c'est un greshakei mais on n'en est pas certain, ça peut être une autre espèce proche, M. mbenjii en l'occurrence.
Les "types"

Il arrive parfois de lire ou entendre des mots barbares : holotype, paratype, lectotype, syntype, etc..Il semble utile d'expliquer à chacun ce qu'ils signifient.
Lors de la description d'une espèce, celle-ci est définie à partir de l'examen de spécimens types déposés dans un Musée ou une institution officielle.. (sauf cas particuliers comme par ex. les Orchidées hybrides naturels connues d'un seul exemplaire et laissées en place pour cause de protection).
L'holotype est un spécimen type unique (l'étalon de l'espèce si on veut),  les autres spécimens de la description sont appelés paratypes. Parfois ce sont plusieurs exemplaires qui servent de modèles de référence, c'est la série type.. 
Dans une série type, chaque spécimen est un syntype quand l'holotype ou le lectotype n'ont pas été désignés. 
Lelectoptype est un syntype désigné comme seul type porte-nom d'une espèce, les spécimens restants sont alors les paralectotypes .
Dans le cas de perte de l'holotype, de lectotype ou du syntype, on peut alors désigner un néotype.

Vous suivez ? alors on continue !

Chacun de ces exemplaires est conservé dans l'alcool et déposé. Si l'on prend par exemple le seul Cichlidé décrit en l'an 2000, Divandu albimarginatus, l'holotype porte la référence MRAC 95-125-P-0569. MRAC signifiant Musée Royal d'Afrique Centrale (Tervuren). je vous passe les références des paratypes. En conséquence présenter une photo d'un poisson vivant en le qualifiant d'holotype est une aberration, sauf s'il s'agit DU poisson qui a ensuite été conservé et désigné comme holotype, bien sûr. Les descriptions ne présentent donc que les photos de types conservés ou parfois pour les plus anciennes descriptions, un dessin. (Merci à Robert pour la vérification du texte).

La population type : C'est la population, la variété, le lieu géographique auquel appartient le type d'une espèce. Par ex : Les types de Tropheus moorii ayant été pêchés à Mpulungu (Kinyiamkolo) , on peut donc dire que la population de Mpulungu est la population type de T. moorii (Du moins c'est ce qu'on pensait car il s'agit plutôt de la région de Chaïtika, voir Konings CN janvier 2012). Ce dernier étant lui-même l'espèce type du genre Tropheus appartenant à la famille des Cichlidés dont le genre type est Cichla dont l'espèce type est Cichla ocellaris.
Parfois la population type est difficile à déterminer en raison du peu de renseignements donnés dans la description. Prenons par exemple le Tropheus annectens, la description indique "Albertville" (Kalémié), or l'espèce n'y est pas présente, mais Kalémié était le "camp de base" de l'expédition. On ne peut donc dire exactement d'où viennent les spécimens. Cela peut-être Mtoto ou Kavalla deux zones respectivement au sud et au nord de Kalémié où l'on trouve deux populations de cette espèce.
 

Ceux qui veulent en savoir un peu plus, à défaut de se taper le Code International, pourront reprendre l'article de Robert Allgayer "Quelques remarques sur le Code de Nomenclature Zoologique" publié dans la RFC n° 13 de Novembre 1981 (ça ne nous rajeunit pas, à l'époque nous étions minces !!!)

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