Neolamprologus ocellatus   ou "Quel peuplement pour un petit bac ?

Article publié dans la RFC N° 95 - Janvier 1990 - réactualisé en août 2000


Point n'est besoin, pour se régaler les yeux, de posséder un grand bac peuplé de superbes "Haplos" ou de gigantesques "Cichlasoma". Tous les cichlidophiles ne possèdent pas une "piscine", et ils sont nombreux ceux dont les bacs avoisinent les 200 ou 300 litres. C'est pour eux et pour tous ceux qui ne savent pas très bien quoi mettre dans de tels aquariums ou même dans des bacs plus petits (100 l) que j'écris ces quelques lignes. Bien sûr, dans de tout petits aquariums, on peut introduire des apistos, mais tout le monde n'a pas de l'eau de Volvic au robinet.
Quand on a une eau qui approche les 30° TH et qu'on n'a pas particulièrement envie de se casser la tête pour la déminéraliser, il ne reste guère plus que les Cichlidés nains du Tanganyika. Et ils sont nombreux, ces petits Cichlidés. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Je ne vais pas vous faire une description de toutes les espèces car de nombreux articles ont déjà été écrits sur ce sujet. Je vais simplement vous parler d'une espèce qui m'avait enchanté voici quelques années : Neolamprologus ocellatus. (A ce moment là, l'auteur se demande s'il va vous parler de la systématique - Lamprologus, Neolamprologus ou "Lamprologus" -, mais comme il écrit l'article en pensant aux débutants, il décide que vous n'en avez rien à faire.) OUF, on a eu chaud ! (mais on pourra se reporter à la révision de M. Stiassny).
"La nacre du Tanganyika". Cela pourrait être le titre.
Avez-vous déjà examiné de la nacre ? C'est superbe, plein de finesse, d'irisations. Imaginez un poisson recouvert de nacre, et vous avez l'ocellatus. Décrivons le poisson... ou du moins ses couleurs (ouf, on a eu chaud - bis ! ). Pour mieux le voir, éteignons les néons (paradoxal, non ? ) qui, à mon avis, tuent les couleurs. Observons-le dans la pénombre, simplement éclairé par la lumière du jour. Quel plaisir pour les yeux ! Le dos est brun, rien de terrible, les nageoires, rien de sensationnel, mais les flancs... Bleus. Bleu comment ? Comme un ahli ? Non, plus clair, plus brillant, plus lumineux. Bleu un peu vert parfois, avec du rose aussi ou du mauve. Tout irisé. Et la tête ? Là, c'est moins éclatant, mais encore plus en finesse. L'œil placé haut sur la tête, possède un iris orange. Les joues, tout dépend de 1'orientation par rapport l'éclairage, bleues, vertes, roses; c'est au choix. La lèvre inférieure est rose. Rose bonbon, comme un moorii ? Non, plus délicat, moins voyant, tout en irisations, là aussi. Quant à la tache operculaire, elle est noire, précédée d'une zone bleue très lumineuse, mais elle peut aussi, vue de 3/4 arrière, être verte. Ce poisson est vraiment un arc-en-ciel, un régal pour les yeux de ceux qui aiment la finesse et la délicatesse. Mais puisque j'en suis à ses couleurs, notons l'apparition d'un ocellatus jaune-orange, vu pour la première fois à l'exposition de l'ABCV à Anvers, au printemps 1989. Des individus jaune-orange seraient apparus au milieu de normaux d'un stock de poissons sauvages de provenance indéterminée, leur présence n'ayant été détectée qu'à la sortie des coquilles. Notons que la coloration orange semble s'estomper au fil des générations.
Revenons-en au "normal". Parlons de son comportement, il est à la hauteur des couleurs : passionnant. Comme je l'ai dit précédemment, on peut le maintenir dans un bac relativement petit, toutefois, il est préférable qu'il soit à son aise.
Pour apprécier pleinement son comportement, on tâchera de le maintenir en groupe de 5 ou 6 individus (le mâle est polygame et pourra régner sur un harem). Pour sa maintenance, on pourra opter pour le bac spécifique d'une centaine de litres (au même un peu moins) ou pour le bac communautaire. Dans ce cas, l'arrière du bac sera garni de roches ou vivront d'autres espèces de petite taille.

Les ocellatus tiendront l'avant du bac aménagé en plage de sable fin garnie de coquilles d'escargots de Bourgogne (ou de Neothauma pour les puristes, mais ça coûte plus cher - photo ci contre). Quelques plantes pourront agrémenter le décor. Ainsi, dans un bac d'environ 200 litres, on pourra faire cohabiter deux ou trois espèces différentes. Après avoir choisi une coquille, le premier travail d'un ocellatus sera de l'enfouir dans le sable. D'abord, il enlèvera tout le sable sous la coquille pour qu'elle descende, ensuite, il lui donnera la position choisie. Après cela, avec sa queue, il projettera le sable vers la coquille de façon à ce que l'ouverture émerge juste au-dessus d'un monticule. Enfin, il dégagera l'entrée des grains qui auraient pu s'y accumuler. Le résultat final est assez étonnant : la coquille est totalement invisible, et seul un trou dans le sable a u sommet du monticule trahit la présence d'un occupant. On peut penser que ce camouflage est très utile en milieu naturel, il permettrait ainsi aux ocellatus de ne pas se faire repérer par d'éventuels prédateurs ou par d'autres conchylicoles qui auraient des vues sur la coquille. A moins qu'il ne s'agisse d'une ruse pour que le courant dirige le plancton droit vers l'entrée ??

Le poisson défendra ensuite avec acharnement ce minuscule territoire. I1 faut bien dire qu'il a du tempérament. Non, ce n'est pas un poisson particulièrement tendre, mais après tout, il ne fait que défendre son territoire et sa progéniture. Il n'hésitera pas à vous mordre la main si vous avez décidé d'aller le taquiner. Je me rappelle qu'il y a quelques années, ils avaient sauvagement agressé une pauvre femelle Dimidiochromis compressiceps de plus de vingt centimètres placée en convalescence dans leur bac, par manque de place. Petit, mais teigneux donc.

Pour le comportement, on a de sacrées surprises. Parlez-en à J.-P. Hacard, il vous racontera comment une de ses femelles en mal d'alevins venait en voler à une autre. Chez moi, à l'époque où j'avais un mâle et deux femelles, c'était le mâle qui volait les alevins aux deux autres. I1 se les faisait ensuite reprendre mais comme les femelles ne pouvaient reconnaître leurs propres jeunes, elles prenaient aussi ceux de la voisine. Cela faisait une jolie communauté avec dans chaque coquille occupée par un adulte, des alevins de différentes tailles.

Cela nous amène tout naturellement à la reproduction. Les femelles prêtes à pondre se reconnaissent aisément à leur coloration très sombre sur l'arrière du corps et sur les nageoires. En temps normal, on peut également les reconnaître grâce au liseré blanc sur l'arrière de la dorsale, absent chez le mâle.

La ponte, très discrète, a lieu dans la coquille maternelle. Les œufs y sont déposés très profondément, le sperme du mâle, émis à l'entrée, pénétrant dans la coquille grâce aux mouvement que fait la femelle pour en sortir. Bien souvent, ce petit manège passe inaperçu, et ce n'est qu'au comportement de garde de la femelle qu'on imagine qu'il s'est passé quelque chose. Parfois même, ce n'est qu'à la sortie des alevins. Dans un bac communautaire, la survie des jeunes en grand nombre, malgré leur grande capacité à se cacher, est assez aléatoire et il convient, dans ce cas, de retirer la coquille afin de prélever les jeunes et les élever séparément. Par contre, dans un bac spécifique d'une centaine de litres, il n'y a vraiment aucun problème à laisser les jeunes en compagnie de leurs parents, si ce n'est le risque de surpopulation à plus moins long terme. Mais ça vous permettra d'en faire profiter les amis.

Avant de conclure, je pense qu'il peut être intéressant pour les débutants de faire un rapide tour d'horizon des espèces de Cichlidés du Tanganyika que l'on peut placer sans trop de problèmes dans un bac de 200 à 300 litres. En effet, on ne peut pas mettre n'importe quoi dans un bac de ce volume et les erreurs sont nombreuses. N'a-t-on pas vu des Cyphotilapia ou encore des "Cichlasoma" (je ne parle pas des petites espèces type meeki) dans de tels aquariums ? Evidemment, ils peuvent y vivre, mais sont-ils à leur aise et atteignent-ils leur taille normale ?

 
Quelques coquilles utilisables :

Ligne du bas (bulot, Bourgogne, Neothauma) sont utilisées pour les plus petites espèces.
Ligne du milieu (coquilles marines) sont utilisées pour les
espèces un peu plus grandes comme les petits Lepidiolamprologus)

Enfin la coquille du haut est parfaitement adaptée avec son ouverture longue et fine pour les Altolamprologus.
Les coquille marines peuvent être obtenues dans les stations balnéaires dans les magasins de souvenirs.

Voici donc une sélection d'espèces qui vous permettra de recréer dans votre salon un petit coin du Tanganyika. Afin de faire des observations intéressantes et pour le bien de vos poissons, je vous conseille de ne pas placer plus de deux à trois espèces dans un bac de 200l et trois ou quatre pour 300 l (bac standard de 150 x 40 cm de base). Bien entendu, un bac de même volume mais aux dimensions différentes (150 x 70 de base et 30 de haut) pourra, du fait de sa surface beaucoup plus importante, abriter un plus grand nombre d'espèces, y compris des espèces non sélectionnées ici en raison de leur taille plus importante. Entre parenthèses, il serait peut-être temps que les standards (hauteur supérieure à la largeur) changent, avis aux fabricants ! Attention le choix des espèces mélangées doit être fait également en fonction des (in)compatibilités (ne pas mettre par exemple deux espèces proches dans le même bac ou une espèce craintive (Xeno par ex.) avec une petite teigne comme N. buesheri. La compatibilité des espèces est ce qu'il y a de plus délicat à gérer particulièrement quand on débute, d'autant que chaque aquarium est unique et ce qui se passe dans l'un ne se passe pas forcément dans l'autre.

 

  • Les petites espèces (pas tous des conchylicoles stricts, parfois ils creusent leur nid dans la vase)

Neolamprologus ocellatus, ornatipinnis, signatus, kungweensis, wauthioni, stappersii, brevis, calliurus, similis
Lepidiolamprologus hecqui, boulengeri. Telmatochromis sp aff temporalis, et Telmatochromis du groupe brichardi
L'agencement du bac et plus particulièrement des coquilles dépendra du comportement des espèces, certaines utilisant des lits de coquilles, d'autres des coquilles isolées. On pourra se reporter à l'excellent article de Eric Genevelle paru dans Aqua Plaisir n°46 (mai 2000) mais, malheureusement pas encore intégré à son site web.


     
  • Autres espèces dont la cohabitation est possible avec les précédents (certains peuvent utiliser des coquilles plus ou moins grosses)

groupe brichardi, N. buescheri, mustax, caudopunctatus, cylindricus -Altolamprologus spp (sélectionnés car inféodés une zone restreinte, et avant de les voir adultes !!!!
Julidochromis ornatus, transcriptus et dickfeldi (avec l'inconvénient de les voir envahir le bac). - Chalinochromis (avec des réserves en raison de leur taille) et de "cichlidés-gobies" : Eretmodus, Tanganicodus et Spathodus.

    Les sabulicoles : Xenotilapia flavipinnis (en bac sableux et spécifique car peuvent être trop stressés par des lamprologues dans un petit aquarium).


Vous voyez que même dans un petit bac, il y a de quoi faire, d'autant plus que la liste n'est pas exhaustive. Tout peut se faire, mais tout n'est pas nécessairement bon à faire.

Exemples de peuplement

d'un bac de 100 X 50 cm de base (250 1) avec un groupe de 4/5 Neolamprologus ocellatus. Toutes les autres espèces de conchylicoles sont exclues afin d'éviter toute concurrence sur la zone garnie de coquilles (toutes les espèces citées seront maintenues en couples).
  • Julidochromis (sauf regani et marlieri) + N. mustax.
  • Ou : Chalinochromis et cichlidé-gobie
  • Ou : Telmatochromis brichardi et N. leleupi
  • Ou pourquoi pas si vous avez un bac assez haut et tout en longueur, un groupe (restreint vu le volume) de Cyprichromis ou Paracyprichromis.


Ce ne sont, bien sûr que des exemples, et chacun peut faire sa petite sauce comme bon lui semble.

Voilà, j'espère que ces quelques lignes auront réussi à vous convaincre qu'il n'est nul besoin de posséder de très grands bacs pour se faire plaisir (c'est bien un des buts de l'aquariophilie, non? ) et qu'avec un peu de place et un petit budget, on peut faire des observations très intéressantes. A ce titre, Neolamprologus ocellatus est exemplaire, délicatement coloré, un comportement passionnant à. observer, une maintenance et une reproduction faciles, voilà un poisson que l'on peut conseiller aux débutants mais qui saura également enchanter les chevronnés. Et si vous voulez mon avis personnel, c'est certainement l'un des plus beaux conchylicoles du lac.

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