L'Orchidée
du Maroc
Mars 2007 |
Paysage dans les environs de Demnate, au pied de l'Atlas
3 au 10 mars 2007 : Je passe un
fort agréable séjour à Marrakech. La température
avoisine tous les jours 27 à 28 °C, ce que, de dires de marocains,
on n'avait pas vu depuis longtemps. Le chaud soleil brille toute la journée,
à peine parfois voilé par de hauts nuages d'altitude. Une
météo idéale pour découvrir la ville et tous
ses secrets.
Évidemment, il m'est difficile de me rendre dans un tel pays au printemps sans avoir quelque arrière pensée orchidophile. Avant le départ j'ai pris des renseignements : Henri Mathé m'a fourni quelques infos issues d'un livre ancien édité par la SFO mais les cartes de répartitions y sont très générales, peu précises. Olivier Gerbaud qui a visité la région en 2006 m'a, quant à lui, fourni des données très précises avec des cartes bien détaillées dans trois zones de l'Est de Marrakech : Le pont naturel d'Imi-n-fri, les bords du lac de barrage de Bin-el-Ouidane et la ville de Beni Mellal. La décision est donc prise de louer une voiture une journée, le mercredi 7 mars, avec comme objectif : Imi-n-fri, les cascades d'Ouzoud et peut-être aller jusqu'à Bin-el-Ouidane. Je sais déjà que cette randonnée ne sera pas facile car ma femme, peu attirée par la gent orchidée, répugne aussi à passer sa journée dans une voiture et à être déposée sur le bord de la route tous les kilomètres pendant que son cher mari crapahute dans les collines avoisinantes. Merci donc à elle pour son immense patience à mon égard. La route est longue jusqu'à Demnate à travers la plaine agricole. Peu de sites semblent propices aux Orchidées et le seul arrêt au bord d'un Oued asséché ne donne rien. Arrivés dans la ville c'est la 1ere erreur de trajectoire, il faut dire que les panneaux indicateurs sont non seulement rares mais en plus souvent peu précis (sans compter qu'ils sont écrits en arabe !). Nous prenons donc une mauvaise route, ce sera la première de la journée. Pendant une quinzaine de kilomètres nous traversons de bien beaux paysages et faisons quelques arrêts exploratoires infructueux. Demi-tour vers Demnate pour enfin trouver la bonne direction. |
Le pont naturel d'Imi-n-fri
est une gigantesque arche (le trait rouge en bas à droite donne
l'échelle "humaine") creusée par une petite rivière.
Le terrain y est très glissant : pierres lissées par le torrent
et souvent recouvertes de la fiente de la multitude d'oiseaux logeant sur
les parois et le plafond.
A proximité du pont, le paysage semi désertique est couvert d'une végétation de plantes grasses : figuiers de barbarie, Euphorbe-oursin (endémique du Maroc) qui forment de gigantesques "coussins" et aussi palmiers nains (ci-dessous). Olivier Gerbaud m'a indiqué trois stations dans le secteur ![]() |
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La première station explorée
est située peu après le pont naturel, dans un virage, près
d'une maison. Il y a là un terrain fort intéressant au premier
abord, juste au bord de la route. Il restera toutefois vierge de toute
orchidée. Déception ! Autour ce n'est que minuscules parcelles
de céréales éparses. Ici la moindre zone cultivable
est semée pour offrir une maigre subsistance aux habitants. Les
zones non cultivables sont rasées à blanc par les troupeaux
de moutons et de chèvres que l'on rencontre tout le long de la route.
Il reste donc fort peu de zones vierges réellement propices aux
Orchidées.
Toutefois, je remarque quelques talus étroits séparant les micro parcelles et commence à en faire l'exploration car leur végétation y semble assez conforme à celle dans laquelle on découvre les Orchidées. Il ne faut pas longtemps pour qu'une tache rose attire mon oeil. L'Ophrys tenthredinifera
s'offre
à moi dans toute sa splendeur.
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![]() Pour moi, ce n'est pas tout à fait la même espèce que celle que j'ai pu voir en Espagne et je me remémore le résumé d'un article de Olivier Gerbaud lu sur le site de la SFO et concernant la présence au Maroc de deux tenthred, la vraie et un autre taxon, différent et peut-être non décrit. Je pense donc être face à cette espèce encore "inconnue". |
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Pendant encore longtemps je vais continuer à explorer ces petits talus sans succès. Aucune autre Orchidée ne se laissera voir. La chaleur et la sécheresse de cette année 2007 sont peut-être la cause de leur rareté mais il est vrai aussi que nous sommes bien tôt dans la saison et que les floraisons n'en sont sans doute qu'à leur début. Nous continuerons ensuite la route en direction
de l'Atlas, jusqu'à la descente vers une vallée encaissée
et verdoyante. Mais là, commençant à sentir un léger
agacement de mon épouse, j'ai fait demi tour.
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Quelques jolies fleurs observées |
Repassant le pont vers Demnate, j'explore
les autres zones indiquées par Olivier (et même un peu plus).
Rien, aucune Orchidée ne se montre ni dans les zones dégagées
ni dans la pinède. Rien, juste une tortue et quelques lézards
qui détalent avant de pouvoir être identifiés.
Après Demnate j'explore à nouveau une jolie zone semblant propice mais en fait complètement rasée par les moutons. L'agacement se faisant de plus en plus pressant à mes côtés, je choisis de ne pas poursuivre jusqu'aux cascades et prends la route du retour vers Marrakech. Évidemment je me trompe de direction et ne peux donc aller voir la zone autour d'un petit barrage donc la direction était indiquée à l'aller sur l'oued Tessaout. Piètre récolte orchidophile pour une journée de voiture mais plaisir malgré tout d'avoir vu une nouvelle espèce et d'avoir parcouru des campagnes colorées et calmes ce qui change du brouhaha de la grande ville marocaine. |
De retour en Normandie, il a bien fallu
essayer de mettre un nom sur la chose.
Puisqu'il ne semble, à mon avis,
pas s'agir d'Ophrys tenthredinifera S.S, de quelle espèce
s'agit-il ?
Il reste O. tenthredinifera praecox
du Portugal au labelle replié, hâtive. Mais le champ basal
semble plus rouge comme chez la tenthred et la pilosité nettement
moins importante.
Pour Olivier Gerbaud et Jean Marc Moingeon (com. pers) cette plante pourrait effectivement être distincte de O. tenthredinifera. Par contre Jean Marc Lewin pense que la plante rentre dans la variabilité de O. tenthredinifera et que rien ne permet de dire que ce n'en est pas. Il reste donc à quelques orchidophiles
voyageurs et avertis à aller vérifier sur place...
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Merci à Henri Mathé, Olivier
Gerbaud et Jean-Marc Moingeon, Jean Marc Lewin pour leur aide avant et/ou
après mon séjour.
Bibliographie :
© Philippe Burnel 2007 |