Du
rififi chez les Orchis
Article initialement publié dans le bulletin n°6 (2010) de la Sfo-Normandie complété fin 2016 |
Les changements
nomenclaturaux sont souvent assez rébarbatifs et c’est, je crois,
une des raisons essentielles de leur non-prise en compte par les orchidophiles
qui, d’une manière générale, sont assez « conservateurs
». Pourtant différentes publications faites ces dernières
années sur la base d’études moléculaires essaient
de démontrer que la classification ancienne, un grand genre Orchis
fourre-tout,
n’est pas conforme à ce que devrait être un genre : monophylique.
C’est ainsi que dans un premier temps un grand groupe d’espèces
a rejoint le genre Anacamptis et un autre le genre Neotinea.
Récemment (Tyteca & Klein, 2008) sont allés plus loin, en éclatant le genre Anacamptis (redevenu monospécifique) et en créant un genre nouveau pour les autres espèces : Herorchis avec Orchis morio comme espèce type. Toutefois ce genre comprenant également le groupe de Orchis papilionacea un genre ancien est disponible : Vermeulenia. Dans le même temps ils séparent le groupe de Orchis tridentata de Neotinea en créant le genre Odontorchis. De même le genre Orchis est restreint aux espèces du groupe de Orchis militaris (Incluant l'ancien genre Aceras) alors que les autres espèces (Groupe de Orchis mascula notamment) se voient attribuer un nom de genre nouveau : Androrchis. Plus récemment,
Delforge (2009) revient sur le sujet, soulève le problème
de Vermeulenia prioritaire sur Herorchis mais, dans le même
temps estime que le genre Herorchis tel que présenté
par Tyteca & Klein n’est pas cohérent, il le divise donc : Herorchis
pour le groupe morio, Vermeulenia pour le groupe papilionacea
et
colina
(cette dernière espèce ainsi que
Orchis cyrenaica
étant en position incertaine), Anteriorchis pour le groupe
coriophora enfin il décrit un genre nouveau pour le groupe
de Orchis laxiflora : Paludorchis.
L’absence d’hybrides, aussi bien entre Neotinea maculata et les Odontorchis qu’entre les Orchis S.S. et les Androrchis montre bien que ces groupes sont génétiquement relativement éloignés et forment donc probablement des entités distinctes. A l’inverse, les nombreux hybrides au sein des ex-Anacamptis S.L. montrent un certain degré de parenté génétique, le statut sub-générique des actuels nouveaux genres créés à partir du grand genre Anacamptis serait alors peut-être plus approprié.Ci-dessous un tableau récapitulatif simplifié.
Un peu plus tard Tyteca et al. (2012) montrent que les groupes Orchis S.S. et Masculae (traités en sous-genres) sont bien différenciés et qu'il y a davantage de différences morphologiques entre eux qu'entre chacun d'eux et le genre Anacamptis. Les auteurs s'appuient ensuite sur d'autres points (non hybridation naturelle, différence de polinisateurs, différence au niveau de la mycorhise) pour démontrer la séparation entre les deux groupes. Finalement les auteurs estiment que les différences sont suffisamment significatives pour justifier la séparation génerique en Orchis et Androrchis. En 2014, Tyteca enfonce le clou pour, à nouveau, justifier la séparation générique. Ses arguments sont pour le moins convaincants. Mon évolution personnelle En me basant à la fois sur les lectures scientifiques et sur les observations sur le terrain, j'ai été amené à réfléchir au classement des differents groupes de l'ex-genre Orchis. Totalement arbitrairement j'ai déterminé trois critères simples :
Par contre si on a comme réponse oui/oui/non les problèmes se corsent car dans ce cas on peut être en présence, par exemple, de Anacamptis et Serapias qu'il ne viendrait à l'idée de personne de regrouper dans le même genre ou de Anacamptis pyramidalis et Anacamptis morio qui ont un aspect différent, qui sont sur deux "branches" légèrement séparées d'un tronc commun, qui s'hybrident et que l'on intègre dans le même genre, la séparation de Anacamptis pyramidalis des autres "Anacamptis" me semble toutefois ineluctable, ne serait-ce qu'en raison de sa position basale au sein de l'arbre "Anacamptis S.L.", mais les études génétiques dans différents domaines se contredisant souvent en fonction des paramétrages informatiques il me semble urgent de ne pas trop se presser pour tirer des conclusions définitives. Nous avons le même genre de problématique entre Gymnadenia et Dactylorhiza ou Gymnadenia et Nigritella par exemple. Ma position personnelle est
donc hybridée entre l'avis de Tyteka et Klein (2008) et Delforge
(2009) de la manière suivante - ce qui n'engage que moi et n'est
peut-être pas un avis définitif - :
Bibliographie : Tyteca D. & Klein E., 2008. Genes, morphology and biology – The systematic of Orchidinae revisited. J. Eur. Orch. 40(3):501-544.2008 Delforge P., 2009. Orchis et monophylie. Natural. Belges 90 (Orchid.22) (2009 : 15-35 Tyteca et al. 2012, On the morphological, biological and genetic heterogeneity of the genus Orchis (Orchidaceae, Orchidinae) Phytotaxa 75: 19–32 Tyteca et al, 2014, Systématique, phylogénie et isolement reproductif des sous-genres Orchis et Masculae (Orchidaceae, Orchidinae, Orchis). Cah. Soc. Fr. Orch., n° 8 (2014) – Actes 16e colloque de la Société Française d’Orchidophilie, Blois
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