Tunisie,
2009
|
Difficile,
cette année, de se décider pour savoir où aller passer
nos vacances d’hiver ! Nous prévoyons habituellement un grand week-end
à Rome ou Venise mais là… pas d’idée !
Enfin
si…. Lisbonne me tenterait bien pour aller y explorer dans la région
de Sétubal où, enfant, j’avais passé des vacances.
Une autre idée me trottait aussi dans la tête : le nord de la
Tunisie. Un article récent paru dans le bulletin
de la
SFO Rhône-Alpes m’incitait à
approfondircette idée.
Le
21 février je me décide à faire une recherche sur
les promos de vacances…. Un séjour à Hammamet s’offre avec
200 € de réduction. Il ne reste plus qu’à convaincre
ma moitié. Avant cela j’envoie un mail à Roland Martin, auteur
de l’article, pour avoir quelques infos. Il me répond rapidement
en m’envoyant un fichier comportant plusieurs stations numérotées,
les espèces que l’on peut y voir et leurs données GPS. Il
ne m’en faut pas plus. M Martin me propose également de prendre
contact avec son frère qui habite près de Tunis afin que
celui-ci me guide sur un site proche, mais je juge la
distance un peu éloignée de Hammamet pour accepter cette
proposition. Dommage… je ne verrai pas l’Orchis des collines !
Samedi 22
je réserve, départ jeudi 26 février, j’agrémente
le tout d’une cure thalasso pour Sophie qui pourra ainsi se délasser
pendant que je parcours la campagne.. Roland Martin m’avertit toutefois
que les dates choisies sont assez précoces et que, d’autre part,
le mois de février ayant été particulièrement
froid et pluvieux, les floraisons ne sont guère avancées.
La fin du mois de mars aurait été préférable…
mais je n’ai pas le choix. Malgré cela je reste confiant et espère
bien voir quelques espèces.
Vendredi 27 février :
Je
continue mes recherches toujours sans succès, à l’exception
d’une tortue de belle taille et peu farouche qui se laisse caresser le
crâne. De l’autre côté de la route il y a une belle
zone mais toujours des rosettes sans fleurs. Déception !
Je
reprends la voiture et m’arrête
Je rentre heureux de
ma première découverte.
Samedi 28 février Je pars
pour la journée vers le Djebel Zaghouan qui domine la petite ville
du même nom. Il faut une bonne heure de route. La chaussée
n’est pas mauvaise mais ce qui roule dessus n’est pas toujours du premier
âge, sans parler de la conduite des tunisiens qui est assez «
aléatoire » surtout lors de la traversée des bourgs.
La campagne est très belle, bien verte. Les champs d’oliviers se
succèdent.
Au loin une
grande montagne domine la plaine de ses
![]() A Zaghouan
je dois trouver le « Temple des Eaux » d’où part la
piste que je dois emprunter. Le site archéologique est bien indiqué
et j’en profite pour le visiter. Il s’agit d’un temple romain situé
sur une source. De là partait un aqueduc immense alimentant la ville
de Carthage. Le site est magnifique, juste un peu perturbé par un
« gardien » qui veut s’improviser « guide » pour
récolter quelque menue monnaie juste pour indiquer quelques fossiles
dans les roches du temple.
Je
prends la voiture et pars à l’assaut de la montagne. Je loupe la
première station pour avoir allumé le GPS trop tard, on verra
ça au retour. La deuxième station arrive rapidement. Un petit
chemin monte dans la montagne, je l’emprunte et trouve rapidement un joli
pied d’Ophrys tenthredinifera en tout début de floraison.
Les photos faites je continue mes recherches et trouve un tout petit ophrys
de type lupercalis. Les fleurs sont vraiment très petites. Je consulte
la liste des plantes observées ici, le « Delforge ».
C’est moins facile que la veille mais je finis par m’arrêter sur
Ophrys
caesiella dans la liste de R. Martin.
O.
caesiella est un taxon maltais et sicilien. Les plantes de Tunisie
ont été décrites par DDT sous le nom de Ophrys
gazella et par Foelsche sous le nom de O. africana qui
ne seraient que des synonymes de O. caesiella.
Un
peu plus loin je trouve d’autres plantes qui me semblent un peu différentes
bien que proches. Le labelle est nettement plus grand et moins marbré.
J’opte pour O. vallesiana mais Errol Vella sur le forum «
Ophrys » les identifie comme étant également O.
caesiella.
Je
reprends la voiture pour la station suivante. Là, je rencontre un
problème puisque le GPS m’indique une zone à
La
route grimpe le long de la montagne pour arriver à un col où
je dois trouver la dernière station (150). Je cherche dans un bois
de pin, trouve un O. tenthredinifera en boutons puis à nouveau
un Ophrys caesiella. Mais un troupeau de chèvres approche
donnant peu d’espoir à ces plantes de fructifier !
Je
rentre vers Hammamet en faisant un large détour par la route C35
qui monte vers Tunis. J’avais repéré le secteur sur google
earth. Je suis déçu car la route est toute nouvellement refaite
et entaille largement les collines. C’est moche ! Je m’arrête en
quelques endroits sans aucun résultat, juste une tortue et l’observation
des dégâts causés par les sangliers.
Je rentre après
une journée bien remplie.
Dimanche 1er mars.
Nous
rentrons tranquillement à Hammamet en prenant l’autoroute mais en
restant prudent : des moutons et des chèvres broutent sur les bas-côtés
et les tunisiens ne se gênent pas pour traverser l’autoroute à
pied (Il m’est aussi arrivé sur une 4 voies de me retrouver nez
à nez avec un âne attelé qui, forcément, «
roulait » dans le mauvais sens ; sans parler des cyclistes à
contresens et toutes autres « délicatesses » avec le
code de la route – d’ailleurs est-ce qu’il existe en Tunisie ?).
Lundi 2 mars Je
pars à nouveau pour la journée afin de faire le tour de la
péninsule du Cap Bon où plusieurs stations m’ont été
indiquées. Je décide de commencer par la plus éloignée
afin de faire les suivantes en me rapprochant d’Hammamet ce qui me permettrait,
si je n’avais pas le temps de faire la dernière, la plus proche,
de l’explorer un autre jour en un après-midi.
Il
y a à peine
«
Problème, zone militaire… interdit ! »
«
Ah, désolé, pas vu le panneau. Juste regarder et faire des
photos – mais pas photos de la zone militaire ». J’agrémente
cela d’un grand sourire… J’ai l’autorisation.
C’est superbe.
Les falaises de près de
![]() En
redescendant je prends quelques photos de beaux palmiers nains et trouve
de jolis fossiles dans une énorme pierre.
J’ai
beaucoup de mal à trouver la sortie de El Haouaria en me perdant
dans les petites rues. Finalement la route vers Soliman est atteinte.
La
station suivante n’est pas très loin. Je gare la voiture sur le
bord de la route et trouve immédiatement Ophrys aspea. Une
bien belle espèce. J’en trouve 5 ou 6 en début de floraison.
Il s’agit d’une espèce endémique de la région du Cap
Bon selon le "Delforge". Je ne trouve rien d’autre mais je suis ravi.
Nouveau
départ pour arriver à la station suivante une piste
dans la forêt. Je trouve facilement. Je commence mes recherches dans
une grande pinède. Je trouve rapidement de nombreux O. tenthredinifera
dont certains pieds sont déjà fanés. Des Neotinea
maculata commencent à sortir leur hampe florale. J’entends
une mobylette s’arrêter près de la voiture, je pointe mon
nez. On me fait comprendre que ce n’est pas très « sécurité
», on me demande si je suis seul, une petite pièce serait
la bienvenue ? Je ne cède pas. Je ne le reverrai pas, mais suis
pas trop rassuré quand même !
Je
continue mes recherches. Je suis venu là surtout pour une espèce
que je ne connais pas du tout : Gennaria diphylla Roland Martin
la signale comme rare dans la zone et c’est la seule station, parmi celles
qu’il m’a indiquées, où je peux la trouver. Je cherche donc.
Longtemps, très longtemps. Sans résultat. Finalement j’abandonne
et décide de rejoindre la voiture. Et, comme toujours, c’est à
ce moment là que je trouve ce que je cherche ! En fait je devrais
toujours commencer mes recherches par les dernières minutes, je
gagnerais du temps ! Un pied en début de floraison est à
l’abri de petits arbustes. Je le photographie sous toutes les coutures.
Je
repars vers une station où a été signalé en
avril 2004 Anacampis longicornu. J’ai peu d’espoir vu la date mais
je cherche quand même le long de la route (dès qu’on s’enfonce
un peu la pénétration est plus difficile). Là encore
les tenthred sont en nombre mais point de longicornu..
Je
reprends mon chemin, traversant les oliveraies, jusqu’à Korbous
, la dernière station de la journée. Je trouve encore Ophrys
tenthredinifera, des A. papilionacea en boutons. Là
encore je cherche longtemps pour finalement me diriger vers une petite
pinède, jusque là ça m’a bien réussi. Les sangliers
se sont bien régalés ! Ils ont tout labouré. Je vois
une hampe, me baisse, juste à côté un pied est en fleur.
Il faut identifier. Pas facile, même avec la liste de R. Martin.
J’opte pour
Op flammeola, espèce sicilienne. Plus loin je
trouve deux autres pieds en fleurs. Ils se ressemblent un peu mais diffèrent
aussi. Finalement Errol Vella les identifiera tous les trois comme O.
flammeola. Lowe et al ont décrit en 2007 une espèce endémique
de la région sous le nom de Ophrys capitana mais selon Errol
et Roland, ce nouveau taxon ne diffèrerait pas réellement
du taxon sicilien.
Je rentre
à Hammamet après une journée bien remplie et des souvenirs
et des images plein la tête.
Mardi 3 mars : J’ai exploré
toutes les stations que j’avais prévues de visiter. Google earth
m’avait plus ou moins indiqué des zones favorables derrière
Hammamet, près d’un barrage. J’ai vu l’indication d’un barrage le
long de la route et je m’y rends. Je ne trouve rien, même pas le
barrage, la zone est aride.
Je
retourne donc sur les stations de la première journée… on
ne sait jamais.
La
première station est toujours vierge de découvertes.
Sur la seconde je trouve des tenthred, en fait je m’étais trop éloigné
de la route, maintenant que je comprends mieux les sites tunisiens, c’est
plus facile de trouver les plantes.
Plus
loin les O. iricolor eleonorae ont évolué, trois pieds
sont en fleurs. Je ne trouve rien d’autre.
Mercredi 4 mars : C’est le dernier jour de prospection. Je reste avec mon idée de barrage derrière la tête. Celui que j’ai cherché la veille me parait trop loin de l’hôtel par rapport au souvenir que j’en ai sur google earth. Il faut donc chercher plus près. Le
long de la route, derrière des arbres je vois un petit panneau «
barrage sur Oued Sidi Khlas ». Je m’engage sur le chemin et trouve
le barrage. Je commence à bien « sentir » les sites
tunisiens : orientation vers le nord, pinède pour donner de l’ombre
et assurer la fraîcheur aux plantes. Une zone sur le coteau
me semble répondre à ces conditions.
Je trouve un groupe
de rosettes dont le centre commence à gonfler annonçant une
floraison future d’une espèce que je ne pourrai pas identifier.
Je
continue mes recherches et vois des rosettes, ici et là. Je vois
quelques plantes plus avancées, avec des hampes bien formées.
Je
continue de chercher et finalement je tombe enfin sur une fleur, à
nouveau l’Ophrys d’Eleonore.
Je
suis ravi de cette découverte. Il s’agit, semble-t-il, d’une station
non répertoriée et j’espère que d’autres « aventuriers
de l’orchidophilie » iront identifier ces rosettes inconnues.
Malgré,
finalement, le peu d’espèces observées, ce voyage précoce
en saison m’a permis de découvrir plusieurs espèces inconnues
de moi et il est donc hautement bénéfique.
Pour
cela je tiens à remercier Roland Martin pour son aide si précieuse
et la grande rapidité de ses réponses à mes mails.
Sans lui je n’aurais probablement rien vu car les sites favorables ne sont
pas évidents à trouver dans cette zone où les oliveraies
et orangeraies dominent.
Merci
aussi à Errol Vela pour son aide dans l’identification des plantes
observées et ses commentaires sur la taxinomie.
Merci
à Sophie qui me laisse parcourir les campagnes, même si c’est
pour la laisser entre des mains de masseuses expertes…
Bibliographie : Martin R., 2008. Des
«
Nouvelles » de Tunisie… Bulletin de
© Ph. Burnel, 2009 |