Les Cichlidés du lac Tanganyika 
C - Les brouteurs

Bien que largement répandus dans tous le lac et contrairement aux brouteurs du Malawi (Mbunas) ou du Victoria (Mbipi), les brouteurs du Tanganyika ne forment qu'un groupe assez restreint d'espèces. Toutefois certaines d'entre elles comptent un grand nombre de variétés géographiques. Ce sont des poissons vivant plutôt dans les couches superficielles du lac, broutant inlassablement les algues qui poussent sur les rochers ; leur alimentation n'est toutefois pas strictement végétarienne puisqu'ils absorbent par la même occasion divers animalcules qui s'y cachent. Compte tenu de leurs habitudes alimentaires le bac devra être fortement éclairé pour permettre la croissance d'algues filamenteuses (les "sels du Tanganyika" sont également très utiles pour cela).

1/ Les brouteurs les plus connus sont certainement les Tropheus. Le genre compte quatre espèces décrites (T. moorii, T. brichardi, T. annectens, T. duboisi) ainsi que quelques espèces non décrites (T. sp. "queue noire", T. sp. "rouge", T. sp. "Kaiser Ikola"). D'autres espèces ont été décrites, puis mises en synonymie (T. polli = T. annectens, T. kasabae = T. moorii). Si certaines sont largement réparties dans le lac sous forme de nombreuses variétés géographiques, d'autres ne subsistent qu'à l'état de populations reliques (T. duboisi, T. annectens).

Toutes les espèces sont de taille moyenne (une douzaine de centimètres) toutefois leur comportement intraspécifique assez agressif est tel qu'une maintenance dans un volume relativement important est nécessaire. D'une manière générale les Tropheus doivent être maintenus en groupe comportant au moins un mâle pour 4 à 5 femelles et ceci dans un volume minimum de 500 litres, notons de plus que la cohabitation dans de bonnes conditions de plusieurs mâles est assez aléatoire dans un volume réduit. Il est plus aisé de se procurer un groupe d'une douzaine d'individus juvéniles qui grandiront ensemble. Une hiérarchie stricte s'établira et ne devra, en aucun cas, être chamboulée. Les Tropheus ne sont pas des poissons qu'il est bon de conseiller aux débutants. Ils demandent des conditions de maintenance parfaites avec une eau au pH fortement alcalin, une oxygénation très efficace.

L'espèce certainement la plus fréquemment maintenue en captivité est le Tropheus sp. "noir" du nord du lac. Ce sont des poissons à coloration de base noire agrémentée fréquemment d'une barre latérale colorée. La couleur de cette dernière étant fonction de la localité de pêche. Certaines formes sont devenues des "classiques" parmi les cichlidophiles. Citons le Tropheus "Rutunga" (ou "Brabant") à fine barre rouge et jaune, le "Bemba" à large bande orangée, et le "Kiriza" (ou Kaiser 2) à large bande jaune.
 
 
Tropheus sp "Black" Bemba et T. brichardi "Canary Cheek"

Le Tropheus duboisi est remarquable par sa coloration juvénile noire ponctuée d'une multitude de petits points blancs. Adultes ils perdent ces points pour prendre une barre latérale blanche ou jaunâtre en fonction de la population.

Les T. brichardi sont relativement peu recherchés en raison de leur coloration souvent moins attirante. Par contre les T. moorii et Tropheus sp. "rouge" du sud du lac avec leur multitude de formes chromatiques particulièrement variées et attrayantes sont très prisés des amateurs.

Nous conseillerons vivement de ne maintenir dans le même bac qu'une seule espèce de Tropheus appartenant tous à la même forme chromatique et ceci même s'il est vrai qu'il est possible de maintenir conjointement deux espèces chromatiquement bien distinctes (T. duboisi et T. moorii par exemple). Il arrive fréquemment que, dans un groupe bien établi, il existe un sujet "tête de turc". Il est facile à repérer : toujours caché, souvent dans un angle à la surface, les nageoires parfois en lambeaux. Si ce poisson est retiré, ou s'il est tué, un autre prendra sa place. Il est donc important de le laisser dans le bac. Pour lui éviter une mort certaine, il sera utile de lui aménager des cachettes dans son angle supérieur favori au moyen de tubes PVC, pots de fleurs, briques creuses suspendues dans l'angle. Il y trouvera refuge et s'y refera rapidement une santé (Ce système peut être utilisé efficacement avec les Mbunas du Malawi, ou avec tout autre poisson rejeté vers la surface du bac). Ce dispositif efficace, à défaut d'être esthétique, a permis de sauver la vie de nombreux poissons chez beaucoup de cichlidophiles.

Dans un groupe bien établi la reproduction des Tropheus ne pose pas de problème particulier. Ce sont des incubateurs bucco-pharyngiens maternels. Le nombre d'œufs, et d'alevins, est assez réduit (une vingtaine au maximum). Par contre leur taille est importante, leur permettant de se débrouiller seul dès leur expulsion.

Il est bien rare de trouver chez les amateurs des bacs spécifiques aussi peut-il être utile de réfléchir au problème posé par la cohabitation avec les Tropheus. Certes ils ne sont pas agressifs avec les poissons appartenant aux autres espèces mais ils sont vifs et très attirés par "tout ce qui dépasse". La cohabitation avec des espèces lentes sera donc à proscrire car ces dernières risquent de ne pas pouvoir s'alimenter et être trop stressées par les Tropheus. De même toutes les espèces possédant des extensions filamenteuses importantes aux nageoires seront évitées (Cyphotilapia, Ophthalmotilapia et assimilés) sous peine de voir rapidement disparaître ces harmonieux filaments. En fait les compagnons idéaux d'un groupe de Tropheus seront choisis parmi les Lamprologiens solides qui sauront défendre leur territoire efficacement.

Le groupe des brouteurs du Tanganyika n'est pas restreint au seul genre Tropheus puisque les genres Simochromis, Pseudosimochromis et Petrochromis en font également partie. Ils sont assez peu rencontrés dans les milieux aquariophiles essentiellement en raison de leur comportement parfois totalement caractériel. De plus les Petrochromis sont des poissons de taille importante (plus de 20 cm). Pour les maintenir dans de bonnes conditions il faudrait donc leur offrir des bacs de très grand volume. Les espèces appartenant à ces genres doivent donc être réservées aux aquariophiles très confirmés et disposant d'une installation adéquate. A part cela on pourra s'inspirer, pour leur maintenance, des conseils donnés pour la maintenance des Tropheus.
 

2/ Des brouteurs attachants : les Cichlidés-gobies

Sous le terme de "Cichlidés-gobies" (ou Eretmodini) on regroupe quatre espèces réparties dans trois genres (Eretmodus, Spathodus, Tanganicodus). Leur nom commun vient de leur similitude avec les gobies de nos côtes. Ces espèces occupent les zones de galets agitées par le ressac à des profondeurs souvent inférieures à deux mètres. Pour une maintenance en captivité à long terme (en sachant que quand ils vivent trois ans c'est déjà bien) il est indispensable de s'inspirer au mieux du milieu naturel donc de leur fournir une eau fortement agitée. Ce sont des poissons assez calmes qui aiment bien sauter de pierre en pierre en observant leur environnement entre chaque bond. Délicats, ils ne seront maintenus que si on a acquis une bonne expérience dans la maintenance des Cichlidés du lac. Il sera préférable de ne leur octroyer, comme colocataires, que des espèces calmes et pas trop grosses, les Lamprologiens de taille modérée conviennent parfaitement ainsi que les Cyprichromini.
 
 
Eretmodus sp. aff. cyanostictus "Burundi" Tanganicodus irsacae

Contrairement aux espèces précédentes il s'agit d'incubateurs buccaux biparentaux. Les œufs sont déposés puis pris en bouche par la femelle. Vers le onzième jour celle-ci confie les larves au mâle qui termine l'incubation pendant une quinzaine de jours avant de lâcher les jeunes.

Les brouteurs sont assez sensibles aux maladies intestinales qui devront être soignées dès l'apparition des premiers symptômes.

Deux cas peuvent se présenter :

- Gonflement dû à une occlusion intestinale provoquée par une alimentation incorrecte (vers de vase, cœur de bœuf..). Remède : priez pour que ça passe tout seul, nourrissez mieux la prochaine fois.

- Gonflement dû à un protozoaire (Hexamitidé). Le poisson perd l'appétit, puis a des selles filamenteuses et translucides et enfin commence à avoir l'abdomen ballonné. La qualité de la maintenance permet fréquemment d'éviter cette maladie. Si, malgré tout, elle se déclare, le traitement au métronidazole (Flagyl ND) à raison d'un gramme pour 100 litres est souvent efficace. Il doit s'effectuer dans l'obscurité la plus complète. Une augmentation de la température jusqu'à 32°C semble augmenter l'efficacité du traitement (attention, certaines espèces n'aiment pas ça)(Iltis, 1993). Renouveler le traitement tous les deux jours pendant une bonne semaine. Il est parfois difficile de soigner un poisson déjà bien atteint, par contre le traitement permettra d'éviter une propagation du mal. Un traitement préventif au dimétridazole (0,5g/100l) ou au metronidazole (0,75g/100l) lors de la quarantaine est indispensable. Une cure bisannuelle de dimétridazole n'est pas inutile.

Notons que la qualité de l'eau de conduite semble, au moins dans certains cas, responsable du gonflement de nombreux Tropheus et ceci particulièrement lors des changements d'eau effectués en période estivale (eau davantage chargée en éléments indésirables : nitrates, pesticides...).

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