Introduction aux Cichlidés   Article publié dans Aqua Plaisir n° 24 & 25

 
 
Qu'est-ce qu'un Cichlidé ?
La question est souvent posée aux passionnés de cette vaste famille. Mais on se rend rapidement compte que bien peu le savent. La réponse la plus simple, la plus complète (scientifiquement parlant) est la suivante : "poisson téléostéen d'eau douce qui ne possède qu'une seule paire de narines".

Bon, avec cela, on n'est pas franchement plus renseigné. Il nous faut donc autre chose pour tenter de définir les Cichlidés. Le problème est que tous les autres critères trouvés peuvent également être attribués à d'autres familles, et ne sont donc pas fiables. Souvent, ce qui permet de reconnaître un Cichlidé, c'est sa nageoire dorsale. Elle possède en effet un grand nombre de rayons épineux et occupe donc une grande partie du dos.
Mais à part cela ? Et bien, à part cela, pas grand chose, si ce n'est un petit coup de cœur qui frappe le passionné dès qu'il voit un Cichlidé chez un commerçant. A l'heure actuelle, plus de 3500 espèces sont recensées, réparties sur trois continents ? Elles se sont adaptées à des biotopes extrêmement variés. Ainsi, on peut trouver des "nains" de 3 à 4 cm, et des "monstres" de 90 cm ; des poissons vivant dans les eaux douces d'Amazonie et d'autres dans les sources alcalines de l'Afrique de l'Est au pH proche de 10, avec une température de 40 °C. On rencontre aussi des pondeurs sur substrat découvert et des incubateurs buccaux de divers types. La variété des couleurs, des formes et des tailles est particulièrement étonnante. Ainsi, à l'exception de la définition scientifique déjà citée, il est absolument impossible de définir avec précision un Cichlidé. Et pourtant, malgré cela, on reconnaît immédiatement un poisson de cette famille. C'est peut-être là que résident son charme et son grand mystère. Le domaine est tellement vaste que les passionnés se spécialisent, souvent à vie, dans un biotope précis. Ainsi, on trouve des cichlidophiles mordus des Cichlasoma d'Amérique Centrale et d'autres, inconditionnels des "Tropheus" du Tanganyika. Pour ces derniers, les Cichlasoma ne sont que des monstres, capables de vivre dans n'importe quelle soupe ! Parfois même, la scission se fait entre aquariophiles adeptes du même lac. Le Malawi abrite ainsi ses "mbunaphiles" et ses "haplophiles" ; les premiers considérant les "Haplos" comme de grosses sardines bleues sans intérêt, les seconds traitant les mbunas de petites teignes incapables de faire autre chose que de se battre.

L'espèce type Cichla ocellaris SCHNEIDER, 1801 est un poisson prédateur de belle taille (50 à 60 cm). Il peut peser jusqu'à 8 ou 10 kg ! On le trouve dans le bassin amazonien où il porte le nom vernaculaire de Tucunare (le terme est généralement étendu à l'ensemble du genre en raison de la difficulté à déterminer les espèces).
Ce genre est tout à fait caractéristique, avec sa dorsale échancrée (fait unique dans la famille). Sa maintenance en captivité est exceptionnelle en raison de sa taille importante et de son comportement alimentaire. Les Tucunare sont appréciés par les autochtones pour leur valeur gustative, mais également par les pêcheurs sportifs qui les traquent au moyen de lancers légers. (Photo : Cichla monoculus)

 
Le groupe américain

La famille des Cichlidés est largement répandue en Amérique, depuis le Texas jusqu'au nord de l'Argentine ; sur une telle étendue, la diversité des espèces est considérable. Parfois, certaines sont endémiques à un tout petit cours d'eau, tandis que d'autres ont une répartition beaucoup plus vaste. Le Cichlidé le plus connu, et certainement le plus répandu dans le monde aquariophile, est le scalaire (Pterophyllum scalare) dont les élevages du Sud-Est asiatiques nous abreuvent de formes plus ou moins "heureuses", tandis que les formes naturelles sont si gracieuses. Ce groupe américain peut-être divisé en divers groupe aquariophiles :
 


 
Les grands "Cichlasoma" centraméricains ; sous ce terme on désigne un certain nombre de genre de Cichlidés (Vieja, Amphilophus, Chuco, Theraps, Parachromis, Archocentrus...) de taille importante. Ce sont tous des pondeurs sur substrat le plus souvent découvert, et la garde des centaines de jeunes est assurée de façon très efficace par les deux parents. A l'exception de quelques espèces plus "modérés", la maintenance doit se faire dans des bacs de gros volume.
Les prédateurs sud-américains (Cichla et Crenicichla) ; ce sont de gros poissons fusiformes aux couleurs remarquables (Crenicichla spp.). Malgré leur taille importante, les Crenicichla peuvent être maintenus dans des bacs de taille "modestes", en raison de leur comportement relativement peu remuant. Les Cichla demandent davantage d'espace pour évoluer convenablement. Ils pourront être maintenus en compagnie d'autres poissons, de taille également conséquente, comme les oscars (Astronotus) ou les Aequidens.

Les Cichlidés nains sud-américains ; il s'agit essentiellement du genre Apistogramma qui comporte de très nombreuses espèces de petite taille. Les poissons peuvent être maintenus en couples ou en harem dans des bacs de taille modeste. Malheureusement, leur longévité est assez courte. Malgré le grand nombre d'espèces en milieu naturel, le choix est assez restreint dans le commerce aquariophile français.
Les "mangeurs de terre" (Geophagus, Gymnogeophagus, Satanoperca ...) ; ce sont des poissons incubateurs buccaux ovophiles ou larvophiles de taille parfois assez importante (plus de 20 cm) ; quelques espèces pondent sur substrat. Leur surnom vient de leur habitude à filtrer le sol pour en retirer les animalcules dont ils se nourrissent. On retrouve ce type de comportement alimentaire chez de nombreux Cichlidés de divers biotopes.
4/ Les scalaires et discus, auxquels on peut ajouter Mesonauta et Uaru ; ces espèces ont une forme plus ou moins discoïdale et fortement comprimée latéralement. Elles occupent les zones d'eaux calmes du bassin amazonien. Elles y évoluent parmi les branchages et les racines immergées. Ce sont des pondeurs sur substrat découvert, peu agressifs hormis lors de la période de reproduction. Il existe d'autres espèces, ou genres plus ou moins inclassables, dont la maintenance se rapprochera de l'un ou l'autre des cinq groupes cités. D'après certaines publications récentes, ces Cichlidés américains seraient les seuls vrais Cichlidés. En effet, il semblerait que le groupe africain soit issu d'une autre lignée évolutive et qu'il serait donc possible de le séparer des vrais Cichlidés. Pour l'instant, ils en font toujours partie, jusqu'à ce qu'un "savant fou" décide de leur attribuer un nouveau nom.

On pourra se reporter, pour une classification plus précise, au site de Sven O Kullander.


 
Le groupe africain peut, lui aussi, être divisé en plusieurs groupes aquariophiles

I/ Les lacs Est africains, véritables mers intérieures 

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a/ Lac Nyassa-Malawi qui abrite le plus important "groupe d'espèce" (plus de 700!!). A l'exception d'une espèce (Tilapia rendalli), toutes se reproduisent par incubation buccopharyngienne. La fécondation peut être intra ou (plus rarement) extra-buccale. Les sites de ponte sont également variés, certaines espèces pouvant construire de véritables "châteaux de sable'. E n'y a pas de formation de couple. Les espèces de ce lac sont généralement extrêmement colorées, souvent à dominante bleue. Les aquariophiles ont l'habitude de diviser la maintenance en deux groupes distincts: - Les Mbunas, poissons pétricoles de taille modérée, souvent assez territoriaux et, par conséquent parfois agressifs et remuants. - Les "Haplos" et affiliés, poissons vivant dans des biotopes assez divers, parfois de taille assez importante, peu territoriaux, hormis en période de reproduction.
b/ Lac Tanganyika dont la diversité reproductrice, alimentaire ou comportementale des espèces est extrême. On y a recensé pas moins de 19 modes reproducteurs différents (certains étant il est vrai assez peu différenciés). On y trouve des pondeurs sur substrat découvert, caché (dans des coquilles d'escargots par exemple), des incubateurs buccaux de divers types, y compris bi-parentaux avec passage des larves de l'un à l'autre des parents. Si les espèces du Tanganyika sont souvent moins colorées que celles du Malawi, la diversité des comportements fait qu'elles sont souvent beaucoup plus intéressantes à maintenir et à observer.
c/ Lac Victoria dont les Cichlidés ont évolué à partir d'une seule espèce en 12000 ans seulement pour donner naissance à des espèces extrêmement colorées qui sont malheureusement menacés par l'introduction de la Perche du Nil (Lates niloticus) etle déséquilibre écologique provoqué par la déforestation des rives et la surpêche. Les espèces sont également incubatrices buccales. Elles sont souvent de taille assez modérée, les couleurs sont très variées souvent avec des dominantes rouges très marquées ou noires à queue rouge. On intègre fréquemment au "groupe espèce Victoria" des espèces des lacs satellites ou d'autres grands lacs Est-africains (Kyoga, Albert, Edouard... qui ont certainement une origine identique.

 
 
Les Cichlidés plus ou moins "nains" des rivières de l'Afrique de l'Ouest et du centre.

Certaines de ces espèces sont bien connues des aquariophiles Pelvicachromis, Hemichromis.. Ce sont des poissons très colorés formant souvent des couples stables à reproduction par ponte sur substrat caché ou découvert. Certaines espèces présentent de nombreuses variétés géographiques plus ou moins bien différenciées. Les formes des élevages du Sud-Est asiatique sont dégénérées ou de souche hybride. Si certaines espèces habitent les petits cours d'eau lents d'autres sont inféodés aux rapides du Zaïre (Steatocranus, Teleogramma).

Les "Tilapias" divers qu'on rencontre quasiment partout et jusqu'au Proche-Orient, Ce groupe renferme trois groupes: Tilapia, pondeurs sur substrat, Oreochromis et Sarotherodon, incubateurs buccaux. Ce sont des poissons de taille parfois importante et qui s'adaptent facilement à des qualités d'eau très diverses. Certains "Tilapias" introduits, plus ou moins accidentellement, dans le monde entier menacent des espèces indigènes, à Madagascar, au Mexique, en Asie etc... Certains Oreochromis mossambicus ont même été vus dans les égouts de Pointe àPitre, c'est dire leur pouvoir d'adaptation! Pour la petite histoire ce sont des Sarotherodongalilaeus que le Christ aurait péché en grande quantité dans le lac de Tibériade (On m'excusera si je ne me souviens plus vraiment de toute l'histoire Biblo-Evangélique!)
Les espèces malgaches, les plus primitives. Ces poissons étaient peu connus jusqu'à ces dernières années. Plusieurs expéditions menées par Jean-Claude Nourissat ont permis de retrouver certaines espèces et d'en découvrir d'autres. On s'est ainsi rendu compte que l'îleest beaucoup plus riche que ce qu'on pensait. Malheureusement des "Tilapias", et la déforestation, menacent très sérieusement les espèces endémiques à tel point que le Paretroplus menarambo, par exemple, découvert en 1991 et décrit en 1996 semble avoir disparu de son milieu naturel. Toutes les espèces malgaches sont assez grandes - au moins 20cm. La plus remarquable est certainement le Marakely (Paratilapia polleni) dont on connaît plusieurs variétés géographiques se différenciant par la forme et la taille des taches bleutées sur une robe noire.

 
 
Espèces indiennes

L'Asie est pauvre en Cichlidés. Les espèces du Proche-Orient ont été mentionnées parmi les "Tilapias". L'Inde et Ceylan abritent deux (ou trois ?) espèces du genre Etroplus. Morphologiquement ils ressemblent beaucoup aux Paretroplus malgaches. Ont-ils évolué à partir d'un ancêtre commun qui habitait la zone alors que l'Inde et Madagascar étaient réunis ou ont-ils évolué de façon similaire à partir d'une espèce marine qui aurait colonisé les eaux douces après la séparation des deux "continents" ? C'est encore un des grands mystères posé par les Cichlidés.

(Des études plus récentes montrent les liens de parenté entre Etroplus  et Paretroplus)


 
Voilà terminé le petit tour d'horizon de ces poissons particulièrement appréciés de nombreux aquariophiles. Il est bien évident que cela pourra paraître très succinct à certains, il est vrai qu'on pourrait écrire des livres entiers sur le sujet. Mais l'objectif est simplement de vous faire partager ma passion pour cette famille si variée et si intéressante à observer. Bien malin ou plutôt bien prétentieux, celui qui dit tout connaître des Cichlidés car il y a toujours quelque chose à apprendre et c'est ce qui fait la vraie richesse, le véritable intérêt, de la famille.

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